jeudi 7 juin 2012

Sale ambiance

Derrière la sale ambiance (j’y reviens dans un instant) dans laquelle se déroulent ces élections législatives, il y a quelques pièges pour le débat démocratique. Cet article a pour but d'aider qui veut à les éviter. J'espère qu'il n'est pas aussi nécessaire qu'il me paraît l'être.

D'abord, le calendrier (législatives un mois après les présidentielles) est pourri mais l’enjeu est trop important pour qu’on se laisse contaminer par la démobilisation institutionnalisée.

Pensez bien qu’on est parti pour cinq ans avec le prochain parlement et que c’est maintenant qu’on lui donne l’impulsion de départ !
Pensez-le même si c’est faux et qu’en fait, en cas de pépin, il une certaine probabilité d’avoir des élections anticipées !
Pensez-le même si ces élections ne sont qu’un moment de la vie démocratique et que le pouvoir se loge dans toutes les luttes et tous les débats même s’ils ne sont pas sanctionnés par un vote !

En effet, pourquoi compter sur un pépin et pourquoi attendre ? Pourquoi ne pas ajouter à notre force économique et à notre force idéologique (celles qui peuvent s’exprimer tout le temps, dans les luttes et les débats) la légitimité démocratique conférée par le vote ? En dépit de tous les défauts que comporte notre régime (liés à la fois aux inégalités, aux institutions, à la faiblesse du système médiatique etc.), obtenir plus ou moins de voix, plus ou moins de députés, ça change le poids de nos idées. Cette légitimité facilite la tâche de ceux et celles qui s’échinent à ce qu’elles soient entendues entre les élections. Et comme ça ne coûte pas bien cher, pourquoi s’en priver ? (Ceci dit, le mieux à faire est de voter tout en ne se contentant pas de voter)

J’en conviens, le vote n’a qu’une efficacité limitée. Notamment parce qu’il partage le pouvoir en plusieurs dizaines de millions de parts égales et que donc chacune d’entre elle est infinitésimale. Une partie de son inefficacité est donc plutôt un bien qu’un mal : c’est la contrepartie d’une certaine égalité.

Ayant ceci en tête, on peut s’interroger sur la façon de donner à son vote autant d’efficacité que possible. Et pour ces législatives comme pour les autres élections, cela passe par voter en fonction des programmes et uniquement en fonction des programmes. Ici comme ailleurs, faisons fi de la personnalité des candidats ou de considérations tactiques et votons pour nos idées !

Maintenant, quelques points spécifiques aux élections législatives.

D’abord, il faut savoir que le premier tour de l’élection législative détermine le financement qui sera accordé aux partis politiques. Tous les ans pendant les 5 ans qui suivent l’élection, l’état répartit une somme donnée entre tous les partis qui auront fait plus de 1% des voix dans au moins 50 circonscriptions proportionnellement au nombre total des voix obtenues. C’est un point mineur mais qui devrait renforcer l’importance de voter en fonction de ses idées : par un vote aux législatives, on renforce (en donnant des moyens financiers aux partis qui les soutiennent) le poids qu’auront, pendant la mandature, les idées pour lesquelles on a voté.

Et puis, venons en à l’ambiance particulière dans laquelle se déroulent ces élections (la « sale ambiance » du début de l’article). Le calendrier, le traitement médiatique spécifique à la législative ou même le caractère des campagnes de certains candidats, tout cela donne une ambiance particulière aux élections législatives. Dans cette ambiance nouvelle et particulière apparaissent des pièges nouveaux et particuliers qui peuvent nous détourner du vote de conviction même lorsqu’on n’est pas tombé dans les pièges tendus à ce sujet lors de la présidentielle. Et comme j'aime pas trop ça, j'appelle ça une sale ambiance.

Localisme.
Il y a une certaine tendance à confondre les élections législatives avec les élections municipales. On peut bien sûr illustrer l’effet de mesures nationales sur le niveau local mais il ne faut pas faire de confusion sur les compétences des maires et des député-e-s. Cette confusion, à moins que ce ne soit un avatar de la personnalisation (que j’ai dénoncée ailleurs) entraîne aussi, souvent, les gens à faire le choix d’un-e candidat-e en fonction de ce qu’ils connaissent de son action locale. Or, un homme ou une femme, de droite, honnête et sympathique dont on apprécie l’action locale pourrait fort bien, si l’on est de gauche, voter des lois à l’assemblée avec lesquelles on serait en complet désaccord. En effet, au niveau local, l’action du politique est fortement contrainte par les compétences et les budgets relativement restreints. Ceci masque tout ce que pourrait avoir de néfaste l’idéologie qui sous tend l'action du politique, si elle s’exprimait au niveau national.

Fatalisme.
Le calendrier est à l’origine d’autres difficultés. Le fait qu’on ait vu les résultats de l’élection présidentielle peu avant la tenue des élections législatives donne l’impression que la partie est jouée. On pense qu’en faisant le compte des voix du premier tour de la présidentielle dans sa circonscription, on aura une bonne idée du premier tour de l’élection législative. De cette manière, on peut conclure, par exemple, que le Front de Gauche n’a aucune chance de faire élire le moindre député.
Primo, cela ne constitue pas une raison pour voter pour autre chose que pour ses idées : on a vu que même sans élus, renforcer le poids de nos idées par un vote leur donne une efficacité supplémentaire (notamment, en l’occurrence, par le biais du financement). Et si, par malheur, notre préféré n’a pas passé le 1er tour, on pourra toujours voter au deuxième tour pour le candidat qui reste.
Deuxio (si le primo ne vous convainc pas mais, en toute logique, il devrait), cette façon de faire les comptes n’est pas juste. On oublie, ce faisant, que la présidentielle a elle-même été parasitée par plein de considérations (vote utile, rejet de la personnalité de tel ou tel candidat) qui font que le vote ne représente que très imparfaitement les véritables idées des gens qui ont voté. Les gens peuvent donc voter pour des partis différents à la présidentielle et aux législatives. On oublie aussi que l’abstention croît entre la présidentielle et les législatives et que tous les électorats ne sont pas mobilisés de la même manière. Et la meilleure preuve en est que vous verrez qu’au final, le Front de Gauche aura des députés.

Légitimisme.
L’élection de Hollande entraîne aussi un certain légitimisme. On se dit : « il a été élu, il faut lui donner une majorité ». De plus, les débuts de l’action du gouvernement ont pu plaire à certains et on se dit alors : « c’est bien suffisant, on fera avec ».
A la première objection, on a déjà répondu : l’élection de Hollande s’est faite aussi très largement sur le rejet de Sarkozy et la peur d’un remake de 2002. La légitimité de son programme est donc douteuse. Et puis si il y a vraiment une adhésion à son programme, il n’y aura pas besoin de notre voix pour qu’elle s’exprime (si notre voix n’exprime pas une telle adhésion). Pour la deuxième question, il est sûr qu’une majorité de droite ne ferait pas les mêmes choses que ce qu’a commencé à faire le pouvoir socialiste et vert. Mais quid de député-e-s du Front de Gauche ? Ce ne sont certainement pas les député-e-s du Front de Gauche qui s’opposeront à un coup de pouce au SMIC (aussi minime soit-il) ou à plus de retenue dans la pratique du pouvoir. On ne gênera Hollande que si, par malheur, celui-ci s’engage sur la voie de l’austérité, tel qu’il le préconise dans son programme (baisse des dépenses publiques, suppression de postes on ne sais où pour en créer dans l’éducation nationale etc.) Avec des députés du Front de Gauche, on n’empêchera pas les socialistes et les verts d’être de gauche, au contraire, ils y seront aidés. Et là, la question qui se pose à nouveau, c’est celle du programme.

Interlude sur le programme du Front de Gauche.
Le programme du Front de Gauche veut changer le système économique et politique de façon à éviter que ne se reproduisent des crises et de façon à éviter la catastrophe écologique. Comme beaucoup d'autres, me direz vous. Ce qui compte, c'est donc la méthode que le Front de Gauche propose. La voici, atrocement résumée :
- La crise ne se résout pas par l'austérité, l'histoire et l'actualité le montrent. Le problème ne vient pas de dépenses excessives mais de l'accumulation d'une trop grosse part de la richesse dans un trop petit nombre de mains. La relance de l'activité se fait en partageant les richesses (en rognant sur les revenus du capital, les gros salaires, les gros patrimoines) et en proposant un projet qui mérite un grand plan d'investissement sans détruire les possiblités de vie humaine sur terre : la planification écologique.
- Facile à dire, difficile à faire. Pour faire, il faut s'appuyer sur une force, sur un pouvoir. Face au capital, le premier choix que je vois, c'est le peuple, d'où la campagne d'éducation populaire du Front de Gauche, d'où le projet d'une 6e république, d'où les réformes proposées pour donner un véritable pouvoir aux salariés dans l'entreprise et en retirer aux actionnaires, d'où l'exigence d'une refonte des institutions européennes.

Une discussion de l'aspect réaliste ou non du programme du Front de Gauche se trouve ici.

Illusionisme.
Il faut aussi rester sur ses gardes, en tant qu’électeurs de gauche, vis-à-vis de la sensation que le gouvernement PS-vert actuel fait un sans faute et saura nous mener vers des lendemains qui chantent aussi bien que le ferait le Front de Gauche. D’abord, il est bien évident qu’en attendant l’élection de la nouvelle assemblée, le gouvernement concentre les annonces et les décrets qui caressent l’électorat dans le sens du poil et que les mesures moins consensuelles sont gardées pour la suite. Pourtant, les observateurs attentifs auront déjà pu remarquer quelques très mauvais signaux dans les déclarations de deux poids lourds du gouvernement : Fabius, ministre des affaires étrangères et Moscovici, ministre des finances. Tous deux ont fait des déclarations visant à faire pression sur les grecs pour qu’ils élisent un gouvernement pro austérité. De plus, cela est agrémenté de menaces vides de fondement juridique lorsqu’ils disent que le non respect de l’austérité par les grecs les conduira en dehors de l’euro (en droit, on n’a aucun moyen d’expulser de la zone euro un pays qui ne le veut pas). Méthode et objectif, tout est détestable dans ces agissements. C’est un signe clair primo, de leur dédain de la souveraineté populaire, deuxio de leur soumission au libéralisme.
En effet, il faut bien voir ce que sont ces « engagements » (pris par un gouvernement qui avait été élu sur un tout autre programme ou mieux encore qui n’a pas été élu mais bricolé à partir de l’assemblée élue en cours de mandat) que les grecs devraient respecter selon Fabius et Moscovici. Ils ne consistent pas à demander aux armateurs, à l’église orthodoxe ou aux professions libérales grecques de payer leurs impôts. Ce sont avant tout des mesures de casse des acquis sociaux, de privatisation, de précarisation de l’emploi et de baisse des salaires (voir cette vidéo à 52:15).
Sans s’appuyer sur des gouvernements alliés en Europe, le gouvernement français ne pourra pas faire plier l’Allemagne sur la question de l'austérité. S'il fait tout pour éviter qu'un gouvernement anti-austérité n'arrive au pouvoir en Grède, c’est donc qu’il ne voit pas d’autres choses à faire que de poursuivre les politiques d’austérité en Europe.

Le Front de Gauche, lui, en voit. Cela fait une bonne raison bien concrète, qui ne reste pas au niveau du procès d’intention pour voter pour le Front de Gauche.

(NB : comme EELV a abandonné son programme pour des sièges de députés et une participation gouvernementale, il ne reste pas grand-chose d’autre à voter que Front de Gauche pour s’opposer à l’austérité. En admettant que EELV ait jamais prévu de s’y opposer.)

PS : Autres raisons d'être insatisfait de la politique du gouvernement PS-verts : la déclaration G8 trop libre-échangiste et la soumission à l'OTAN (notamment via le bouclier antimissile).






samedi 2 juin 2012

Argumentaire : comment on paye ?

Critique du chiffrage.
Le chiffrage des programmes, tel qu’il est pratiqué est une activité contestée par des économistes tout ce qu’il y a de plus sérieux. En effet, avec le chiffrage, tel qu’il est pratiqué, on cherche «combien ça coûte ?» mais on ne tient jamais compte du fait que certaines dépenses peuvent parfois rapporter plus qu’elles ont coûté. Une vision étriquée du chiffrage a tendance à mettre dans la tête des gens que les programmes les moins chers sont les meilleurs. La question qu’il faut se poser n’est pas «combien ça coûte ?» mais «ce programme est-il à la hauteur des enjeux ?» Cette critique du chiffrage s'applique bien évidemment au chiffrage classique donné dans la suite de l'argumentaire. Seulement, parfois l'on rencontre des gens qui ne voudront pas entendre la critique et réclameront le chiffrage.

Pourquoi on a un programme cher.
Le Front de Gauche a un programme conquérant qui vise à sortir de la crise non pas tant bien que mal et avec quelques bosses mais par le haut, en mettant en place un nouveau fonctionnement de la société qui assure au grand nombre une vie meilleure que ce qu’elle était dans l’avant-crise. On veut des vraies réformes et les vraies réformes, ça coûte de l’argent.

Ce qui coûte et ce qui rapporte.

Réalisme du Front de Gauche.
Le Front de Gauche a le seul programme réaliste parmi ceux présentés à la présidentielle, malgré son coût. En effet, tout programme qui ne libère pas les finances publiques de la tutelle des marchés ne permettra pas d’éviter l’austérité qu’ils réclament et qui ne fera qu’agraver la dette du pays. Tout programme qui ne permet pas un accroissement sensible de la part des salaires dans la richesse produite condamne l’économie à rester dans l’instabilité mortifère dans laquelle un capital hypertrophié la met. La recherche d’une soit disant modération affichée par la plupart des partis pour complaire à l’idéologie dominante défendue par les médias dominants est en fait tout le contraire d’une modération, tout le contraire d’un réalisme.

Appendices.

Coût du SMIC à 1700 euros.
Le SMIC à 1700 euros rapporte de l’argent. C’est le capital qui met la main à la poche et le SMIC accru augmente les rentrées fiscales pour l’état et les cotisations pour la sécu.

Reprendre au capital pour donner aux salaires, concrètement.
Par le travail, une société produit des richesses. Cette richesse va en partie rémunérer les travailleurs et en partie rémunérer les créanciers ou les actionnaires c’est-à-dire, le capital. On veut faire en sorte que la part qui va au capital diminue et celle qui va aux salaires augmente.
Reprendre 10% du PIB au capital pour le rendre aux salaires, ça se fait :
- en augmentant les salaires,
- en diminuant la précarité (la précarité permet aux patrons d’exiger plus de travail pour le même salaire car elle maintient les salariés sous la menace de retomber dans la galère),
- en diminuant le temps de travail (à salaire constant et sans accroitre la productivité horaire par de l’annualisation ou de la flexibilité),
- en taxant le capital.

NB : Il faut aussi qu’il n’y ait pas trop d’écart entre les salaires. Sinon, les riches ont trop d’argent et spéculent avec et les pauvres n’en ont pas assez et s’endettent : ces deux processus augmentent les revenus du capital.

lundi 23 avril 2012

Presidential election - Turn one - Recap

Comme je suis du Parti de Gauche (qui a d'ailleurs lui-même produit une excellente analyse du scrutin de l'autre soir), je vais surtout parler du résultat du Front de Gauche mais aussi, parce que c'est ce qui choque les gens, du FN.

Déception au Front de Gauche ?

On est en dessous des espérances que certains sondages et ce qu'on observait sur le terrain avaient nourris. Pourquoi ? Bien malin qui pourrait le dire. Entre l'imprécision des sondages, le décalage dans le temps entre la date de réalisation et la date du vote et l'enthousiasme particulier de nos électeurs ou l'enthousiasme d'électeurs de Hollande pour le Front de Gauche (vote utile), il y a mille façons d'expliquer les résultats (voir plus bas pour quelques unes qui nous donnent le beau rôle).

Ce qui est certains c'est que tous les gens qui venaient à nos meetings et nos réunions de quartier, les gens qui avaient un grand sourire en nous voyant, collant et diffusant des tracts, existent. Mais on n'avait pas de moyen de savoir combien ça ferait en pourcentage des voix. Maintenant, on sait plus ou moins. Et on n'a pas fait un mauvais score. Le Front de Gauche continue de progresser : en pourcentage par rapport à notre point haut des cantonales et en voix, bien entendu, vu la participation à la présidentielle. Ce que j'espère, c'est que l'enthousiasme palpable qui a entouré la campagne ne retombera pas, que les électeurs du Front de Gauche donneront beaucoup de militants et seront mobilisés supérieurement pour les scrutins et les luttes sociales à venir.

En fait, la déception qu'on sent actuellement est une très bonne chose. Ça montre qu'on n'est plus résigné à faire des scores riquiquis.

BONUS 1 : On a eu raison d'être optimiste et il faut qu'on le reste, qu'on garde à chaque élection, à chaque mobilisation sociale, l'objectif de la gagner. C'est comme ça qu'on peut mobiliser des millions de gens. Pas en disant : "on va pas gagner cette fois-ci mais votez pour nous quand même" et en attendant indéfiniment qu'un concours de circonstances nous amène le pouvoir sur un plateau. C'est en se battant pour la victoire qu'on la fait venir. C'est en étant défaitiste qu'on nourrit la défaite. Ainsi des législatives à venir : nous voulons la majorité absolue des députés, votez pour nous !

Parlons maintenant du FN.

Pour contester le vote des classes populaire au FN, il aurait fallu qu'on n'en fasse pas tant pour accréditer le mythe de "Le Pen candidate des ouvriers" ou à défaut qu'on en fasse plus pour casser le mythe.

Pour cela, on pouvait montrer que ce qu'ils nous proposent, c'est simplement de remplacer l'exploitation des prolétaires de tous les pays par les capitalistes de tous les pays par une exploitation des prolétaires français par les capitalistes français.

Or, personne (sauf nous) n'a attaqué le FN sur l'absence de partage des richesses dans son programme parce que personne (sauf nous) n'est pour le partage des richesses.
De même, le FN avait l'austérité dans son programme mais personne (sauf nous) ne l'a attaqué là-dessus parce que tout le monde (sauf nous) est pour l'austérité.
Enfin, personne (sauf nous) n'a relevé l'anti-syndicalisme du FN parce que tout le monde (sauf nous) est du côté des patrons.

Ce qui fait que le mythe du FN défenseur des petites gens a tenu jusqu'au bout.

Le FN est favorisé par rapport au Front de Gauche parce qu'il cadre beaucoup mieux avec l'idéologie dominante (anti-égalitaire, pro-austérité et casseuse de syndicaliste).

Pour résumer, le FN a pu se présenter en parti anti-système tout en cadrant relativement bien avec l'ordre actuel, ce qui fait qu'il est facile pour les déçus du système de s'en rapprocher. En effet, il est plus facile pour quelqu'un d'accepter un programme "anti-système" si ce programme cadre bien avec son propre inconscient, lui-même façonné par l'ordre actuel et son idéologie dominante. En l'occurrence, c'est la focalisation sur la question de l'euro qui a permis au FN de se présenter comme anti-système. Et ce, alors même qu'il n'y a, à leur programme, qu'une "sortie négociée" de l'euro, c'est-à-dire qui dépend du bon vouloir de nos partenaires européens au moins autant que la stratégie de désobéissance européenne du Front de Gauche.

On aurait pu tirer les fruits du côté pro-système de Le Pen en se présentant comme plus anti-système qu'elle et c'est ce qu'a pu faire, un temps, le Front de Gauche. Mais la campagne médiatique visant à montrer Mélenchon comme un homme du système (à la fois en insistant sur de soi-disant relations troubles et en nous harcelant sur notre "ralliement" à Hollande) a fini par porter ses fruits auprès d'un électorat qui hésitait entre le FN et nous. Car ces arguments étaient précisément ceux du FN : "Mélenchon allié du MEDEF et Mélenchon rabatteur de voix du PS".

BONUS 2 : Un effet qu'on observe une fois de plus, c'est la synergie des campagnes. Sarko a fait une campagne d'extrême droite et le total FN + UMP est élevé. Alors que ni le PS ni les verts n'ont fait campagne à gauche et la montée du score de la gauche est décevante (encore une fois c'est de la bonne déception) compte tenu du fait que la droite gouverne depuis 10 ans et avec un bilan mauvais. J'affirme que, sans notre exceptionnelle campagne face à une adversité médiatique que seul un Cheminade a pu rencontrer, le FN aurait fait les scores au dessus de 20% qu'on annonçait en début de campagne et la gauche n'aurait pas fait son meilleur score de premier tour depuis 1988.

mercredi 18 avril 2012

Personnalisation

Dernier de trois vices dont je parlerai parmi tout ce qui affaiblit l'efficacité du vote (les deux autres sont l’abstention et le "vote utile").

Personnaliser, c’est déterminer son vote (ou son engagement) en fonction de la personnalité d'un ou d'une candidat-e. On vote alors en fonction du sentiment que nous inspire la personnalité de quelqu'un. Ça peut-être très flou comme impression ("celui-là, je le sens pas") ou ça peut-être déterminé par des choses plus précises ("machin a fait ci, a dit ça, ça va pas"). C'est un comportement bien naturel. C'est comme cela qu'on juge les gens qu'on rencontre dans la vie de tout les jours, qu'on détermine ses amitiés ou à qui l'on accorde sa confiance. Mais ça n'est pas du tout adapté aux choix politiques qu'on doit faire en tant que citoyen.

Cela parce qu'on a, le plus souvent, une image des politiciens qui ne correspond pas du tout à ce qu'ils sont réellement. Cela aussi parce que ce qui sera fait réellement par le pouvoir politique dépend très peu ou pas du tout de la personnalité du candidat élu. Enfin, ça masque les vrais enjeux. Ce qui est important, c'est que le peuple se mobilise sur un programme. Si il est aveuglé par la personnalité de tel ou tel candidat, il en oublie de s'interroger sur ce qu'il faudrait faire (on pourrait aussi dire : si les médias nous saoulent en permanence avec des considérations sur le caractère de tel ou tel, c'est autant de temps d'antenne qui ne sera pas consacré au débat sur les programmes).

Je reviens sur les deux premiers points.

Premier point.
A moins qu'on ne connaisse personnellement la personne, l'image qu'on a des politiciens est une construction médiatique. Elle résulte d'un jeu où tous (les médias stipendiés ou eux-mêmes manipulés, les politiciens coachés ou simplement malins) cherchent à manipuler les autres (les médias, les politiciens et les citoyens).

Parenthèse : la manipulation est parfois inconsciente ! On (on, c’est-à-dire nous, simples citoyens ou eux, gens de médias) peut se laisser prendre au piège des préjugés. C'est le cas lorsqu'une opinion dominante bien enracinée fait apparaître comme excessif ce qui n'est qu'une critique argumentée de cette même opinion dominante. Une paraphrase pour essayer de me faire bien comprendre : une opinion peut être tellement enracinée dans nos consciences qu'on a du mal à accepter de la considérer comme un préjugé (ce que la critique nous demande) plutôt que comme une loi de la nature (ce que l'on fait inconsciemment).

Bref, cette image est extrêmement malléable, surtout par ceux qui ont prise sur les médias (l'UMP et le PS, bien inscrits dans les cercles du pouvoir). C'est donc un mauvais critère de jugement.

Deuxième point.
Que les actes ne dépendent que peu de la personnalité (ou soi-disant personnalité, puisqu'on a vu qu'on ne la connait pas réellement) des politiciens se voit bien avec l'exemple de Chirac et Sarkozy. Deux personnalités différentes au possible, entre l'homme qui boit des bières et mange de la tête de veau et le président du Fouquet's, on était en droit d'attendre que Sarko favorise éhontément les super riches et que Chirac réduise la fracture sociale. Cependant les chiffres montrent que, sous Chirac, la réforme de l'imposition a été bien plus favorable aux gros revenus que sous Sarkozy. En fait, Sarko a eu une politique dans la droite ligne de celle qu'a menée Chirac, tout juste infléchie par l'irruption de la crise qui l'a forcé à quelques mesures cosmétiques de taxations des riches (un peu et dans le même temps qu'on taxe beaucoup les pauvres).
C'est d'abord l'état idéologique de la société qui conditionne l'action gouvernementale, puis, dans le désordre la force de l'administration, des partis, la situation internationale etc. Mais la personnalité pas trop, non.

Épilogue centré sur l'actualité.
Tout ceci est (entre autres) la raison pour laquelle il ne faut pas se formaliser sur le tombereau de soi disant révélations qui s'abattent en cette fin de campagne de premier tour sur le candidat du Front de Gauche. Toutes ces attaques sont censées nous montrer un candidat qui complote, qui a quelques références idéologiques un peu troubles mais l'important reste le programme. Ce que ça révèle surtout, c'est que le PS (ou l'UMP, on pourrait passer devant eux au premier tour) avait gardé dans ses cartons de quoi animer la dernière semaine, qu'ils le déversent sans vergogne par leurs canaux médiatiques et que si des gens se formalisent parce qu'on discute avec ses adversaires politiques, ils ont perdu le sens de l'idéal républicain.

Mais pourquoi avoir choisi Mélenchon si c'est un homme si sulfureux (enfin pas pour moi mais bon) ? Ce que le Front de Gauche demande à son candidat, c'est d'être le porte voix d'un programme. Mélenchon est excellent pour faire passer les idées du Front de Gauche en interview et en meeting. On a choisi le bon.

jeudi 8 mars 2012

Stratégie sarkozienne

Pourquoi Sarkozy copie-t-il Le Pen ?

Ça ressemble pourtant à une stratégie perdante. Cela rebutera beaucoup de monde à droite, au moment où il faudra voter pour lui au deuxième tour (si jamais il y arrive). Une grosse part de l'électorat traditionnel UMP et la quasi totalité de l'électorat de Bayrou seront perdues. De l'autre côté, l'extrême droite monte mais pas au point que ses voix garantissent la victoire sur la ligne actuelle de Sarkozy. Le rejet de la xénophobie et de mesures violentes d'expulsions d'immigrés (c'est cela qu'implique les objectifs d'immigration que se fixent l'UMP et le FN : une grande violence se cache derrière ce qui ressemble à une simple mesure administrative) est encore vif dans le pays. Et on n'est pas encore une majorité (malgré la propagande du patronat sur ces sujets) à croire que si les gens sont au RSA ou au chômage, c'est que c'est top pour se la couler douce (on vit très mal au RSA ; si l'économie était tellement en manque de travailleurs que ça, les salaires monteraient).

J'ai une hypothèse sur ce sujet.

La droite ne croit pas qu'elle puisse gagner l'élection. Depuis le début de la crise, dans tous les pays du monde, tous les sortants ont été battus, il en ira de même pour Sarkozy. Dès lors une partie de la droite se serait repliée sur une stratégie de plus long terme.

Le but est de mettre le paquet pour couper les classes populaires de la gauche. Pour ce faire, il ne faut pas parler du monde économique. En effet, comment vanter les vertus (théoriques) du modèle capitaliste face au chômage, à la dureté du travail, la précarité, la faiblesse des payes, la chèreté de la vie, toutes ces choses bien concrètes, constatables par tous, qui n'ont fait que s'amplifier depuis le temps qu'on dérégule à tout va (bientôt 30 ans). Par contre, on peut y arriver en parlant aux prolétaires de leur voisin qui vit vaguement mieux qu'eux ou qui vit moins bien mais on ne s'en aperçoit pas. On dit aux gens : "regardez cette personne-là, elle coûte cher (c'est pas vrai, ce qui coûte cher, c'est les riches qui planquent leur pognon en Suisse, qui fraudent le fisc etc.), c'est à cause d'elle que ça va moins bien pour vous". Et comme on a expliqué aux gens que c'était impossible de rien changer au système, ils se rabattent sur ce qui leur apparaît plus simple pour résoudre leurs problèmes : virer l'immigré, mettre au travail forcé le chômeur, même si, en vrai, cela ne les aiderait en rien.

Mais dans le même temps qu'ils acceptent l'idée que le chômeur/RMIste/immigré est un parasite, on les éloigne de la gauche. Car la gauche dit le contraire. Elle dit qu'il faut des protections sociales pour éviter que les travailleurs soient à la merci du patronat. Elle dit qu'on doit régulariser les travailleurs immigrés. Rappelez-vous que les expulser efficacement demande un niveau de violence inacceptable. Partant, il faut qu'ils aient des papiers. Il le faut parce que avec des papiers, ils pourront participer aux luttes des prolétaires (de tous les pays qui doivent s'unir) pour le progrès social pour tous.

Ajoutez un peu de saupoudrage avec des éléments culturels (viande hallal) qui choquent parfois certaines habitudes même si au fond ça ne remet pas en cause notre bien-être. Ajoutez y encore un peu de calomnie sur le mouvement syndical (qui est parfois dysfonctionnel mais surtout parce que le patronat lutte avec acharnement contre, au point d'acheter des délégués syndicaux) et la coupure d'avec la gauche est réalisée. Au final, on se retrouve à la prochaine élection (après l'échec attendu de Hollande et de ses politiques d'austérité) en très bonne posture pour avoir une grosse majorité et pouvoir faire des réformes en profondeur.

En plus, Sarkozy prend sur lui toute la saloperie extrêmedroitière qui devrait entacher la totalité de l'UMP, puisqu'elle l'a toujours soutenu et voté toutes ses lois. Ainsi, Juppé ou un autre pseudo-modéré pourra revenir en 2017, blanc comme neige et rafler les votes modérés quand les votes populaires seront largement détournés de la gauche par l'extrême droite ou l'abstention. Sarkozy, il s'en fout de ne pas être réélu, il se fera bien plus de maille à faire jouer son réseau auprès de grands groupes fortunés (comme Gerhard Schröder, Blair, Clinton et d'autres)

Heureusement qu'ils sont tombés sur un os, qui dénonce les impostures et propose un autre avenir. Participez à la lutte politique avec nonos !

Complément.

Pourquoi parlé-je des classes populaires en particulier ? D'abord, j'admets que c'est un point faible dans mon raisonnement, prenez-y garde ! D'expérience, je sais que toutes les classes sont sensibles à la stigmatisation des rmistes, des chômeurs et des immigrés. Tout le monde peut tomber dans le piège.

Mon hypothèse, c'est que ceux qui souffrent le plus sont plus pressés d'avoir un peu de soulagement et peuvent être plus enclins à céder à l'apparente facilité des mesures. Ils ont peut-être plus de difficulté à croire qu'on peut tout changer parce que leurs préoccupation quotidiennes ne leur laissent pas le loisir d'imaginer une autre société.
A l'inverse, les gens des classes populaires savent ce que c'est que la souffrance sociale mieux que personne et voient bien que le chômage, ça résulte rarement d'un choix. Il n'y a que les plus repliés dans leur bulle qui croiront que tout le monde peut s'en sortir comme eux si ils acceptent d'en chier comme eux.

C'est pourquoi la gauche peut s'appuyer sur des éléments concrets pour contrer l'offensive sarkozyste. C'est pourquoi aussi il faut lutter contre l'isolement des gens et c'est pourquoi le parti de l'os organise tant de réunions publiques.

Deuxième complément : autre hypothèse.

Peut-être que ce n'est même pas une stratégie perdante. On peut se dire que ce que cherche Sarko, c'est de s'assurer le bon report des voix de Le Pen. Pour l'instant, ces voix se répartissent plutôt en sa défaveur entre lui et Hollande au deuxième tour. Il y a donc gros à gagner de ce côté là. D'autant qu'en copiant Le Pen, il seront deux à lutter pour ces idées et cela peut aider à augmenter leurs scores cumulés du 1er tour. Le tout, c'est de la jouer finement pour ne pas perdre trop de Bayrouistes. Quoiqu'il en soit, il serait idiot pour la gauche de draguer le centre droit, car elle perdrait sur le terrain des classes populaires et car en assumant des valeurs de gauche, on peut convaincre des bayrouistes que l'UMP c'est l'horreur à éviter à tout prix (fut-ce au prix d'un vote Mélenchon). Il y a aussi l'enjeu des législatives : l'UMP veut éviter autant que possible les triangulaires en siphonnant le FN. En effet, il pourrait y avoir une chance pour la droite de conserver l'assemblée nationale avec peu de triangulaires FN-UMP-Gauche et compte tenu du nouveau découpage des circonscriptions et des nouvelles circonscriptions de l'étranger qui favorisent la droite.

Le fond de l'affaire, c'est de toutes les façons la bataille culturelle pour que les idéaux de gauche reprennent l'hégémonie aux idées tordues des droitiers. C'est l'objet de pas mal d'articles sur ce blog.

dimanche 22 janvier 2012

Logique

Ceci est la 2ème partie d’une série en trois partie sur le vote. La 1ère est ici, la troisième est enfin publiée.

Je parlais du sentiment de l’inutilité du vote qui nourrit l’abstention. Parmi ce qui participe à donner ce sentiment, le comportement moutonnier qu’on appelle abusivement vote « utile » que je nommerai vote futile par la suite, joue un rôle non négligeable.

Qu’est-ce que le vote futile ? Il en existe au moins deux variantes. Dans la première, on vote au premier tour pour celui « qui a une chance » de gagner au second (ce qui pousse en général les gens de gauche à voter vers le centre). C’était essentiellement comme cela qu’on votait avant 2002 et cela assurait une bonne part du vote PS. En 2007 encore, on peut attribuer une bonne part du vote Bayrou à ce genre de comportement : pensant que Ségolène Royal « n’avait aucune chance » face à Sarkozy, beaucoup d’électeurs de gauche se sont rabattus sur un vote Bayrou parce qu’avec lui, « on avait une chance » d’éviter le pire. Dans la deuxième variante, on vote au premier tour pour celui « qui a une chance » d’aller au second, c’est ce qu’on appelle aussi « éviter un nouveau 21 Avril ». C’est la grande trouvaille de la décennie pour les partis dominants, qui leur permet de maintenir leur domination alors même que la détestation qu’ils inspirent est à son comble. En un sens, le PS et l’UMP sont donc grandement redevables au FN pour son rôle d’épouvantail rabatteur d’électeurs déçus.

J’utilise des guillemets dans le paragraphe précédent afin de marquer le caractère de « on dit » des affirmations. Car c’est bien sur une rumeur que l’on se fonde quand on se lance dans le vote futile. Une rumeur légitimée par le système médiatique et l’aspect pseudo scientifique de sondages mais une rumeur quand même. Et comme toutes les rumeurs, les conditions de sa production sont sujettes à bien des manipulations.

Production d'une rumeur

Trois temps pour cette production :

Primo, le système médiatique fait le black-out sur la plupart des candidats. En général, on n’entend parler de personne sauf du PS et de l’UMP. Parfois, quand les médiacrates ne sont pas satisfaits de ce que leurs proposent ces deux partis, ils vont chercher un autre candidat de droite pour lui donner aussi une exposition médiatique (Bayrou, par exemple, ou Balladur). Et bien sûr, même si on ne l’invite pas à s’exprimer, le FN est toujours présent. Cité par tous, il est censé agir comme un épouvantail. Ce black-out provient tout autant des affinités des médiacrates (souvent copain comme cochons avec les gens bien des partis dominants) que de leur paresse intellectuelle. Pour eux, deux partis ça suffit, si on en rajoute de trop, ils ne s’y retrouvent plus.

Secundo, dans ces conditions, il est bien normal que l’opinion admise soit que les deux principaux prétendants sont au PS et à l’UMP avec le FN en embuscade. Le triste de l'affaire, c'est qu'on admette trop facilement cette opinion. En effet, pourquoi écouter un expert politologue ou éditorialiste qui n’en sait au fond pas plus que toi ? Ou un sondage qui, s’il mesure parfois quelque chose sur le moment (et avec quelles barres d'erreur ?) n’a aucune valeur prédictive ? On gobe donc, on gobe.

Tertio, les jeux sont faits. La position dans les sondages et l’air du temps (qui est une création des quelques têtes parlantes qui monopolisent l’espace médiatique plus qu'une réalité objective) déterminant à la fois l’écho donné aux déclarations du candidat et sa capacité à s’attirer le vote futile, la première prophétie (pipée) détermine les sondages et les avis éclairés qui suivent et elle devient auto réalisatrice. Quand par malheur, quelqu’un apprend qu’il existe d’autres candidats plus compétents, plus respectueux de la démocratie et avec des programmes bien meilleurs, il a déjà suffisamment en tête que les Français n’aiment que la sociale démocratie tirant à droite (le PS) ou la droite tirant vers l’extrême droite (l’UMP) pour imaginer que son choix en faveur d’un autre candidat plus proche de ses idées pourrait bien être suivi par une grande masse de ses concitoyens si il se décidait.

Dans ce jeu, j’ai cité l’influence des médias et des sondages mais il ne faudrait pas non plus oublier l’influence des grands partis eux-mêmes. Ceux-ci, à défaut de faire campagne sur leurs idées (ce qui ne serait peut-être pas si bien apprécié des électeurs), se contentent souvent de décourager l’électorat ou de l’effrayer. Pour décourager les braves gens, le jeu consiste à renforcer la croyance qu’ils sont les seuls vainqueurs possibles. Et pour les effrayer, rien de tel que d’exagérer le danger FN (ce qui en soi participe à effectivement à l’accroître) et de crier à la traîtrise et à la collusion avec l’extrême droite dès qu’on se permet la moindre critique sur leur compte.

Face à tout cela, soit on fait une croix sur la démocratie soit on revient à une attitude saine, simple et efficace : voter pour ses idées. Car, c’est une banalité de le dire mais quand on oublie de voter pour ses idées, il ne faut pas s’étonner que notre vote ne permette pas qu’elles soient défendues. D’autre part, non seulement, on finit par ne pas voir ses idées représentées mais encore, le vote futile est totalement inefficace pour ce à quoi il prétend servir. C’est

Le triple paradoxe du vote futile.

Le caractère hyper répandu du vote futile est à l’origine du premier paradoxe. La masse qui vote futile finit par donner un sentiment d’impuissance à ceux qui ne cherchent qu’à défendre ce qu’ils croient juste. Le vote futile est donc une machine qui nourrit l’abstention et le vote FN. Certes, il y a ceux qui se résignent à voter pour les candidats que l’establishment leur a choisi mais il y a aussi ceux qui s’abstiennent par sentiment d’impuissance et il y a ceux qui votent FN parce que ça les énerve et que, dans les sondages et par son omniprésence dans les commentaires, le FN leur apparaît comme le seul susceptible de troubler le jeu. Le risque est donc que le vote futile qui prétend servir de rempart contre l’extrémisme le nourrisse au contraire.

Du point de vue psychologique individuel, il y a aussi quelque chose de paradoxal avec le vote futile. En effet, quand on vote futile, on trouve à la fois que notre voix n’a pas de poids (puisqu’on dédaigne de voter pour ses idées) et que notre voix est super importante (puisqu’on imagine que sans nous, le gros parti pourrait bien partir à la trappe). Pour moi, je préfère me dire, "si mon vote ne pèse pas, je peux aussi bien voter pour ce qui me plait". Ou encore, "si mon vote pèse, il faut que je vote pour mes idées".

Le dernier paradoxe se manifeste sur le plan historique. Le vote futile pour le PS est souvent présenté comme un expédient temporaire. On croit éviter le pire en assurant le départ de Sarkozy afin qu’à la prochaine, une fois débarrassé du monstre, on puisse enfin voter pour ce qu’on aime réellement. Or cela a toutes les chances de plutôt nous entraîner dans une séquence historique longue de dérive droitière de notre société. En effet, le PS, en se contentant d’un appel au vote futile et à un « tout sauf sarko » vide de programme, abandonne la lutte idéologique. Pendant ce temps, la droite qui sert un capital jamais repu continue son activisme (bien aidée en cela par le « pluralisme des médias »). Résultat, la société dérive à droite. La droite se permet toujours plus d’outrances et à la prochaine élection, on en a un encore plus vilain que Sarko qu’il faut « éviter à tout prix ». Dès lors, le couvert est remis pour encore plus de vote futile.

Bien sûr, on peut douter du fait que le curseur du centre politique cesserait sa dérive si le PS faisait campagne sur son projet plutôt que sur le vote futile, tant le PS lui-même est en pleine dérive droitière. Cependant, on peut déjà dire que la dérive serait moins rapide. De plus, le PS obligé de se découvrir serait forcé, soit de revenir à gauche, soit de se démasquer comme parti de droite. Cela laisserait alors la place à gauche pour une véritable alternative.
Une atmosphère baignée par le débat d’idée sera toujours plus favorable à la gauche. Il faut en effet, pour que la gauche se relève, qu’on se déshabitue d’écouter les discours des politiciens comme on écoute des spots de pub. Il faut apprendre à remettre en cause les évidences, à raisonner, pour pouvoir résister au fort pouvoir d’injonction du système médiatique (qui passe par l’omniprésence des médiacrates mais aussi de manière très importante par la publicité, le divertissement et parfois par les fictions).

Votez donc pour vos idées et si vous vous inquiétez de l’efficacité de votre vote, militez (que ce soit au sein d’un parti ou non).

Si ça vous plaît pas, qu'on comprend rien, que c'est qu'un ramassis de banalités, dites le ! Commentez ! J'adore le débat qui fait progresser les idées.

samedi 14 janvier 2012

Tract Média

Un peu arrangé, une sorte de tract sur les médias que j'ai écrit. Les contraintes de la maquette du tract expliquent le style lapidaire. Je suis sûr que certains ne s'en plaindront pas.
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Pluralisme
Nous vivons dans une démocratie imparfaite. Parmi les choses à améliorer pour la parfaire, il y a les médias et l’information. Comment les citoyens peuvent-ils exercer leur pouvoir s’ils sont mal informés ? Pour une bonne information, il faut, non pas l’objectivité absolue (qui n’existe pas) mais trois choses : de la diversité dans les opinions qui s’expriment, que l’usager des médias puisse faire la différence entre les faits et l’opinion de celui qui les rapporte et, bien sûr, que les faits rapportés soient bien réels.
A mon sens, ce qui manque surtout dans les médias, c’est de la diversité. On est tellement matraqué qu’on prend pour des évidences des choses qui n’en sont pas.
Par exemple, presque tout le monde nous présente l’austérité comme la seule voie possible alors qu’il faudrait surtout dire que cela nous enfonce dans la crise. De manière plus générale, les grands médias sont tous possédés par de grands patrons. Aussi, les éditorialistes qui s’y expriment défendent, en gros, la vision de la société de leurs patrons. Enfin, l’opinion dominante peut encore avoir des relais dans la pub (exemple type de matraquage) et dans des fictions qui, elles aussi, véhiculent une vision du monde bien particulière.
Or, il existe de nombreux citoyens qui voient les choses tout différemment et dont les idées ne sont que très peu entendues. Ils se trompent pourtant plutôt moins dans leurs analyses que les supposés experts qu’on invite sur les plateaux télé…

Qui possède quoi ?

Arnaud Lagardère, Serge Dassault, Martin Bouygues, Vincent Bolloré et Bernard Arnault, tous milliardaires et amis de Sarkozy (les quatre derniers ont fêté son élection au Fouquet’s le soir même) et le groupe Bertelsmann (dont Albert Frère, milliardaire, ami de Sarkozy et présent au Fouquet’s a longtemps détenu une grosse part du capital) possèdent :

Télé : TF1, une grosse part de Canal +, M6, LCI, Direct 8, i-télé et d’autres chaînes.

Radio : Europe 1 et 2, RFM, RTL et d’autres chaînes.

Presse : Métro, Direct Soir, Matin Plus, le Figaro, les Échos, le Journal du Dimanche, l’Express, une bonne part du Parisien et d’autres titres.

Ajoutez-y le service public (radios, télés) aux mains de Sarkozy lui-même.

Ça c'est la presse du patronat (pour une critique plus détaillée, allez au cinéma voir les nouveaux chiens de garde ou lisez le bouquin), elle est ultra dominante mais il existe aussi une presse critique du système, parmi laquelle on trouve

Mes lectures favorites.

Essayez-les et dites m’en des nouvelles !

Quotidien :
L’Humanité, le journal fondé par Jean Jaurès, le seul quotidien indépendant des grands groupes en France (Libé est à Rothschild, Le Monde à un trio de millionnaires), proche du Parti Communiste Français.

Hebdomadaire :
Politis, très centré sur l’actualité politique mais dans toute sa diversité (politique intérieure, étrangère, social, économie, environnement), des articles, des interviews, des brèves, des chroniques, des pages culturelles aussi.

Mensuels :
Regards, ressemble à Politis, en mensuel, même si il n’y a pas de liens entre les deux journaux.
Le Monde Diplomatique, mon journal préféré, plus intello, plus international mais parle de tout et pas seulement de diplomatie, vraiment un journal à nul autre pareil !

Parutions plus épisodiques :
Le Sarkophage, connaissez vous la décroissance ? un jeu de mot dans le titre mais c’est du sérieux.
Fakir, sous des dehors bon enfant, des analyses très fines, un journal très militant ET très indépendant.

Sur l’internet :
arretsurimages.net, pas vraiment de l’info, un site qui décrypte l’info et porte un regard critique sur les médias, on y trouve des textes mais aussi des émissions, payant (faut ce qu’il faut).
acrimed.org, le site de l’association ACRIMED, encore un site de critique des médias, un peu plus intello qu’arretsurimages.net, bien documenté et gratuit.
jean-luc-melenchon.fr, le blog de Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Front de Gauche à l’élection présidentielle, très bien pour comprendre ce que c’est que la politique.

Pour aller plus loin
Après l’indigestion de théorie abstraite que j’ai infligée précédemment, je pense que vous trouverez relaxant cet excellent livre écrit par un étudiant en journalisme à propos de ses études.

Pour arranger tout ça.
Dans le programme du Front de Gauche
Nominations dans les chaînes publiques : le personnel aura une voix prépondérante ;
Conditions de travail des journalistes : la lutte contre la précarité (menée dans toute la société, pas seulement dans les médias) permettra aux journalistes de préserver leur indépendance et la qualité de leur travail ;
Concentrations dans les médias : interdites par la loi ;
Coopératives de presse : ce modèle sans actionnaires, où le capital appartient aux travailleurs sera soutenu par l’état.

Dès maintenant
Ne restez pas seuls face à votre télé ! Pour pouvoir forger son opinion indépendamment des médias, il faut une « république permanente ». Cela veut dire, consacrer du temps au débat d’idées (en période électorale et en dehors), en respectant la parole des autres, en pesant rationnellement les arguments, en étant prêt à remettre en cause ses préjugés. C’est pour cela que le Front de Gauche organise depuis sa création, réunions thématiques, projections publiques, assemblées citoyennes. Vous y êtes les bienvenus.

Si ça vous plaît pas, qu'on comprend rien, que c'est qu'un ramassis de banalités, dites le ! Commentez ! J'adore le débat qui fait progresser les idées.