lundi 20 décembre 2010

temps perdu

Un article de Slate.fr et ma réponse.

D'abord, l'ARTICLE :

La seule chose vraiment certaine en ce qui concerne la prochaine élection présidentielle, c'est qu'elle sera sacrément rock'n'roll. Entre les primaires socialistes, dont on pressent qu'elles ne freineront guère les ardeurs d'éventuels recalés, et la compète proprement-dite, à laquelle une bonne vingtaine de «wannabes» prévoit déjà de participer, les choses n'ont jamais été aussi ouvertes…

Moins certaine que le bordel sus-évoqué, mais assez probable toutefois, la présence de Marine Le Pen au second tour doit donc être envisagée.

Bien entendu, opposée à n'importe quel membre du PS, à Sarkozy, à Bayrou, voire à Villepin ou à Borloo (nous somme dans la pure spéculation, souvenez-vous) en deuxième mi-temps, la parachutée d'Hénin-Beaumont serait logiquement écrabouillée par la foule des démocrates de ce pays. Mais, si tout est si ouvert et qu'un médiocre 12/15% suffit à vous placer en orbite, que se passerait-il en cas de finale Le Pen-Mélenchon ?

Bon, à priori, et puisque Mélenchon est un homme d'extrême gauche et que l'extrême gauche est ontologiquement plus gentille que l'extrême droite (les crimes du communisme ne sont que des erreurs quand les crimes du fascisme en sont le but, n'est-ce pas?), les démocrates sincères devraient, même en faisant la grimace, se reporter sur l'ex-sénateur socialiste.

Hey, nous étions bien allés voter pour Chirac en 2002… Si c'est pour faire la fine bouche avec Méluche en 2012, c'était bien la peine…

Sauf que, sauf que… glisser un bulletin Chirac dans l'urne alors qu'on avait voté Jospin avec enthousiasme au premier tour, c'était rester en terrain connu. Chirac, on ne l'aimait pas, certes, mais il ne proposait pas de transformer la France en Cuba septentrional. Il ne se félicitait pas non plus de ce que les Chinois soient capables de remettre les Tibétains sur le droit chemin et ne passait pas son temps à recenser les têtes à faire tomber!

Non, on ne l'aimait pas mais c'était le «devil you know» (le diable que l'on connait), comme on dit chez nous les Gallo-américains ― qui sont aux Gallo-romains ce que le World Wide Web est aux Voies romaines.

Le Parti de gauche de Mélenchon ― ou le Front de gauche si l'énergique tribun réussit son OPA hostile sur le Parti communiste ―, c'est tout de même une autre paire de manches. Et à l'exception d'une valeur cardinale (l'antiracisme), j'ai personnellement du mal à saisir si j'ai davantage en commun avec cet OPNI au populisme assumé qu'avec le ramassis hétéroclite d'extrémistes de droite authentiques et de prolos déboussolés qu'est le FN.

Tiens, prenons l'Europe par exemple, dont je suis un chaud partisan ― totalement et irrévocablement dévoué à la cause du fédéralisme. Eh bien si Marine Le Pen propose de sortir de l'Union, de rétablir le franc et de mettre en place des barrières physiques aux frontières françaises pour empêcher les seaux en plastiques chinois et les basanés africains de nous envahir, en quoi Jean-Luc Mélenchon s'en distingue-t-il?

D'accord, il ne veut pas exactement abandonner l'euro: il se contenterait juste de dévaluer cette monnaie de «banquiers et d'usuriers», ce qui reviendrait à peu près au même puisqu'il faudrait faire ça sans les Allemands. Remarquez, la bataille de chiffonniers avec les Italiens et les Espagnols qui s'ensuivrait («Achetez mes trucs en francs, ils sont moins chers que leurs bidules en pesetas ou en lires!») animerait pas mal le débat...

Il ne veut pas non plus quitter l'Union, juste «sortir du Traité de Lisbonne», ce qu'il faudrait faire sans les copains et poserait également de sacrés problèmes d'organisation. Enfin, s'il ne dit rien des basanés aux frontières, il n'a aucun doute sur leur seaux en plastiques: le protectionnisme, c'est définitivement le «isme» qui monte chez les ex-internationalistes.

Sur un autre front, si j'ose dire, le FN est pour une retraite à 40 annuités sans âge de départ spécifique, quand Mélenchon est plutôt pour le retour aux soixante ans sans nombre d'annuités spécifique. Est-ce si différent? Pas vraiment. Du moins du point de vue d'un Sarkozy ou d'un DSK, qui pensent qu'il faut cotiser plus longtemps puisque l'on vit plus longtemps.

Mais si j’ai cherché à comparer, point par point, le reste des programmes socio-économiques des uns et des autres, avouons qu'il est plus facile de se rencarder chez les lepénistes que chez les mélenchonnistes. A main droite, on annonce la couleur, tout est décrit en détail et la France bleu-Marine ressemblerait effectivement à un mix d'étatisme, de corporatisme, de racisme, d'autoritarisme, de provincialisme intellectuel, d'archaïsme sociétal et économique, d'antilibéralisme, d'anti-américanisme, de bêtise crasse... A main gauche ― que le flou qui entoure la relation du boss avec le PC empêche d'aller au-delà des banalités génériques du progressisme orthodoxe ― on flaire peu ou prou la même chose, la xénophobie en moins, on l'a vu, mais le collectivisme en plus.

Un sondage express, absolument a-scientifique et représentatif de pas grand chose, m'enseigne pourtant qu'autour de moi, on irait malgré tout mettre un bulletin Mélenchon dans la boîte en cas de catastrophe. Ce qui est assez ironique puisque ce dernier s'abstiendrait lui-même de voter pour DSK, qui ne vaut pas mieux que l'UMP, laquelle est plus à droite que Marine Le Pen!

Pour moi, il s'agirait d'un fameux dilemme. Ne pas voter? Je n'ai jamais loupé le moindre scrutin et je me suis toujours moqué des abstentionnistes. Voter blanc? Je n'ai jamais compris ce qu'exprimait le fait de ne rien exprimer. Voter Le Pen? Tss, je ne réponds même pas à ce genre de provocations… Voter Mélenchon? Arghh… Non, vraiment, pas possible. Ou alors juste avant de m'expatrier, charge à ceux qui restent de se démerder avec la nouvelle donne et de nous faire passer des nouvelles du pays par pigeon voyageur si le Web français met la clé sous la porte Cuban style…

Oui, vraiment, elle risque d'être sacrément rock’n’roll, cette présidentielle 2012.

Hugues Serraf

ma REPONSE

Qu’un démocrate de droite comme l’auteur de ce texte hésite entre Mélenchon et Le Pen, je comprends.
Mais il y a quelques jugements assez idiots dans ce texte.

« Mélenchon homme d’extrême gauche »
Peu m’importent les étiquettes mais je voulais juste rappeler que le programme du front de gauche qui se dessine n’est pas tellement plus à gauche que celui avec lequel François Mitterrand s’est fait élire la première fois.

« L’extrême gauche ontologiquement plus gentille que l’extrême droite. » « Cuba septentrional »
La phrase sur l’ontologie ne me parait pas débile mais elle sous entend que l’extrême gauche actuelle (puisqu’il choisit de nommer ainsi le Front de Gauche) serait de la même veine que les partis uniques des pays communistes passés et présents. Ce qui est entièrement faux. Le FG espère prendre le pouvoir par les urnes et le rendre quand on perdra les élections. Pas de parti unique dans le programme. Si on veut comparer le FG à un épouvantail, on peut le comparer à Chavez pour le côté démocrate de gauche qui n’a pas peur de se mettre le monde à dos.

Sur l’Europe. La stratégie du FG, ce serait dans un premier temps de rétablir un rapport de force avec l’Europe libérale. Et après, on verra ce qui résultera du rapport de force. Sortir de l’Europe ou sortir de l’euro, ce n’est pas la question, la question c’est de faire en sorte que l’Europe cesse d’être un vecteur adémocratique de l’ultralibéralisme. C’est pourquoi, il faut revenir sur les traités qui interdisent des mesures de contrôle des mouvements de capitaux, le maintien de services publics hors d’atteinte du secteur privé etc. Le FG croit que la France a les moyens de peser sur ces décisions si la population française y est déterminée. La stratégie est donc de demander par référendum aux Français si par exemple ils sont pour un service public de l’énergie, et si oui, de faire jouer la clause de l’ « opt out » au niveau européen qui permet par exemple aux anglais de ne pas respecter les normes sociales sur le temps de travail en Europe (dans notre cas, ce serait pour permettre à la France d’avoir un secteur de l’énergie entièrement sous le contrôle de l’état). On peut penser que c’est une stratégie vouée à l’échec mais pour ma part, je pense qu’il faut tenter quelque chose plutôt que d’accepter l’idéologie de la concurrence libre et non faussée contenue dans le traité de Lisbonne. D’autre part, il ne faut pas sous estimer le poids économique et politique de la France qui peut peser d’une autre manière que ce qu’elle fait dans les négociations.

Sur le protectionnisme (l’histoire des « seaux en plastique »). Il y a une différence fondamentale entre celui prôné par le FN et celui prôné par le FG. L’un se ferait sur des critères purement nationaux, l’autre se ferait sur des normes sociales et environnementales. Est-ce mauvais pour les pays étrangers ? À mon avis, plutôt moins que de se lancer dans la concurrence avec eux en abaissant nos propres normes. Car dans ce dernier cas (à la différence du premier) il n’y a aucune incitation pour les entreprises en Chine, par exemple, à améliorer le sort de leurs ouvriers ou à faire attention à l’avenir de la planète (dans ce cas en tous cas, il n’y en a pas en plus du simple bon sens).

Sur les retraites. Le FG est pour une retraite à 60 avec 37,5 annuités de cotisation. Par contre, si on veut faire des amalgames bidon, on peut relever que les 40 ans et l’âge non spécifié, c’est le programme du PS. De plus, quand on lit le programme du FN, on y trouve des perles comme : « le développement de régimes de retraite complémentaire par capitalisation », « encouragement de la famille et de la natalité » (i.e. renvoyer les femmes à la cuisine).

Sur le flou du programme du FG et l’aspect similaire à celui du FN. Effectivement, il sera moins flou quand le PG, la GU et le PCF se seront mis d’accord. En attendant, on peut se rapporter au programme du PG : http://programme.lepartidegauche.fr/ qui est aussi détaillé que celui du FN. Et quand on compare les deux, on trouve de fortes différences sur la taxation (le FN baisse les impôts des riches en prétendant que ça va rapporter un max à la nation), sur les services publics (le FN n’arrête pas de vouloir diminuer le nombre de fonctionnaires et de vouloir les déposséder de leur « privilèges »), sur le contrôle des banques (le FN n’en parle pas mais on sent quand il clame qu’il est pour « libérer l’entreprise » que cela va être bon pour les multinationales et la finance), sur l’écologie, les transports (le FN est fan des bagnoles) et je n’ai pas encore tout lu.

« Mélenchon s’abstiendrait de voter DSK ». Ce n’est pas sûr. Ce qu’il dit pour l’instant c’est qu’il répondra à la question quand les socialistes auront dit s’ils voteraient pour lui. Et pourquoi refuse-t-il de répondre à ces questions ? Parce que c’est une façon de l’enfermer dans un rôle de second plan et de permettre à nouveau l’histoire du vote utile de pourrir la démocratie.

Si ça vous plaît pas, qu'on comprend rien, que c'est qu'un ramassis de banalités, dites le ! Commentez ! J'adore le débat qui fait progresser les idées.