lundi 12 décembre 2011

Le minimum

C’est un peu toujours pour la même raison que je me répands sur internet : pour soumettre au débat deux ou trois choses que je pense avoir comprises sur la démocratie et, si possible, en tirer quelques conclusions pratiques, applicables immédiatement.

Pour préciser encore le genre de choses sur lesquelles je m’interroge, disons que c’est sur le pouvoir : d’où il vient, par où il passe, où il va, comment on l’attrape, comment il nous échappe etc. et pardon pour la redondance éventuelle dans ces questions.

Mon impression, c’est que c’est particulièrement difficile de répondre à ce genre de question en démocratie (et même dans une démocratie avec beaucoup de défauts comme la nôtre). En effet, le pouvoir y est fortement dilué en principe (coupé en parts égales entre des millions de citoyens), si bien qu’il en devient très souvent largement invisible. Il se déploie et se concentre à travers de multiples mécanismes où seul un œil exercé peut le surprendre. Puis vient le jour du vote où il se matérialise aux yeux de tous avant de reprendre son évolution mystérieuse dans la minute qui suit le dépouillement.

Parlons du vote, qui est donc la partie la plus visible du processus démocratique, si bien qu’on en arrive à négliger les autres. Ce n’est en fait qu’une toute petite partie du processus mais arrêtons nous dessus, ce sera une occasion d’amener subrepticement le reste sur la table.

Car enfin, l’importance démesurée donnée au vote a au moins cette vertu d’intéresser périodiquement à la politique des gens qui ne s’y intéressent pas en temps normal. Pour tous ceux qui veulent travailler à remettre l’activité politique au centre de la vie des gens (là où elle devrait être, puisque, comme le dit Aristote, c’est d’elle que dépend le Bien Suprême [1]) la saison des élections, c’est la saison de la pêche, qu’on espère miraculeuse.

Cet écart entre la visibilité du vote et son importance réelle dans le processus démocratique a aussi ses côtés négatifs. En dehors des périodes électorales, on peut être amené à penser que rien ne se joue, puisqu’on ne voit rien ou presque. Or, dans ces périodes aussi, l’opinion se forme, plus subtilement mais non moins profondément.

Ceux qui se plaignent que le vote endort les gens ont raison de se plaindre mais cet endormissement, c’est le symptôme d’un bien. On serait peut-être plus révolté en dictature mais que réclamerait-on alors ? Une démocratie. Et on serait de nouveau en face du problème de l’endormissement qui va avec la démocratie. Dès lors, notre but, ce doit être de faire marcher ce truc.

Plein de gens ne votent pas. Pour les présidentielles, un peu plus se déplacent, essentiellement parce que l’injonction est plus forte avec tout le battage médiatique qui accompagne l’élection (ça devient à la mode de voter). Mais en général, ils y vont sans conviction, voter utile. On y reviendra.

Autant, je pense qu’on a toutes les raisons d’aller voter, autant, je pense que les hauts niveaux d’abstention, marquent une prise de conscience de quelque chose de fondamentalement vrai : il n’y a pas grand-chose à attendre du vote. C’est ce que j’indiquais plus haut : le vote, c’est la partie émergée de l’iceberg. Le pouvoir des citoyens est essentiellement ailleurs et une bonne partie de l’affaire est déjà dans le sac le jour de l’élection.

Mais plutôt que de nous amener à rester chez soi et à se désintéresser de la politique, la prise de conscience de ce fait devrait nous amener à nous engager plus profondément, tout au long de l’année. C’est ainsi qu’on va prendre le pouvoir où il est, c'est-à-dire, dans notre propre éducation, dans les médias, dans la rue, sur les lieux de travail, dans toutes les discussions politiques qu’on peut avoir avec les gens qu’on rencontre. J’ai déjà parlé des différents moyens de peser en démocratie, au-delà du vote, je n’y reviens pas ici. Il faut faire tout le reste mais il faut aussi voter pour donner le couronnement attendu pour tous nos efforts d’engagement.

Reste que même avec un comportement parfaitement citoyen, il ne faut pas s’attendre à quelque chose de miraculeux. Une démocratie parfaite, elle est censée diluer le pouvoir à parts égales entre tous les citoyens. Chacun d’entre nous n’en aura qu’une petite parcelle. Autrement dit, se sentir impuissant en démocratie, c’est normal, c’est comme cela que ça doit être.

Cependant, ce n’est pas parce qu’on se sent impuissant qu’il faut faire comme si on l’était réellement. Il faut se saisir de la part infinitésimale de pouvoir qui nous revient, s’éduquer, s’engager et voter. Car en face il y a des gens qui sont prêt à récupérer tout le pouvoir abandonné dans la démobilisation générale (ex : Serge Dassault, sénateur UMP, milliardaire ami de Sarkozy, industriel de l’armement, propriétaire de médias importants comme le Figaro et truqueur d’élections dans sa commune de Corbeil Essonne).

Pour faire face aux gens les plus assoiffés de pouvoir, il faut que même ceux qui ne se sentent pas des âmes de dictateurs se battent pour prendre la part qui leur revient. Et cela entraîne qu’ils doivent dans une certaine mesure entrer dans des luttes de pouvoir. Prise de parole, de responsabilité, et ce qui va avec : réflexion sur les opinions qu’on va exprimer, sur la façon dont on veut s’organiser.

A la fin, le vote, ça ne coûte pas bien cher et on aurait tort de s’en priver.

Ce texte est la première partie d'un triptyque.
Partie 2 : Vote « utile ».
Partie 3 : Personnalisation.

Si ça vous plaît pas, qu'on comprend rien, que c'est qu'un ramassis de banalités, dites le ! Commentez ! J'adore le débat qui fait progresser les idées.
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[1] « nous devons essayer d’embrasser [...] la nature du Bien Suprême, et de dire de quelle science particulière ou de quelle potentialité il relève. On sera d’avis qu’il dépend de la science suprême et architectonique par excellence. Or, une telle science est manifestement la politique »

dimanche 23 octobre 2011

Critique d'Aphatie

Ci-dessous le texte d'Aphatie (qu'on trouve aussi ici : torchon) et mes commentaires (en italique).

"Pendant que l’euro frôle l’apoplexie, concentrons-nous sur l'essentiel du débat public. Hier soir, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de Laurence Ferrari sur TF1."

Comme si Mélenchon était la principale plaie qui empêchait les sujets sérieux d’être abordés dans les médias… La réalité, c’est que Mélenchon est très loin d’être le centre du débat public (on parle plutôt très peu du Front de Gauche et le Front de Gauche a une place dans les médias largement en dessous de celle qu’il représente électoralement). Mélenchon semble par contre être au centre du débat qui s’agite dans l’imagination d’Aphatie.

"Longtemps, Jean-Luc Mélenchon, candidat du parti de gauche à l’élection présidentielle, s’est présenté comme la terreur des journalistes."

Primo, cette phrase contient une erreur factuelle, Mélenchon est candidat du Front de Gauche et non du Parti de Gauche. Quand on se proclame spécialiste de la politique comme Aphatie, et qu’on monnaie chèrement ses chroniques sur de multiples médias (RTL, Canal +, etc.) on devrait au moins savoir faire la différence entre le Parti et le Front de Gauche.

Deuxio, ce n’est pas Mélenchon qui se présente comme « la terreur des journalistes », ce sont Aphatie et consorts qui ont colporté le mythe d’un Mélenchon ennemi des journalistes qui s’énerverait pour un rien et qui ferait frémir la corporation. Mélenchon critique le système médiatique, avec des arguments.

"Pas de tous les journalistes, oh non. Dans une théorisation dont le net a gardé la trace et que j’ai personnellement la flemme de chercher, Jean-Luc Mélenchon a expliqué qu’il distinguait nettement les soutiers de l’information, victimes d’un système d’exploitation, des commandeurs, décideurs et éditocrates qui pervertissent l’esprit public à la seule fin de préserver leurs intérêts."

Moi, j’ai pas la flemme, si vous voulez avoir autre chose que la vision réductrice d’Aphatie qui veut pas faire son boulot de journaliste, regardez cette émission : la mécanique mélenchon

"Parmi les cibles illustrant ses propos, Laurence Ferrari, journaliste de TF1, tint longtemps une place de choix. Elle se vit traiter de « perruche », nulle misogynie dans l’expression bien sûr, juste le fruit d’une analyse « Front de gauche » du couple journaliste et citoyen. Elle eut aussi l’insigne honneur d’être désignée comme un gros salaire, un million d’euros par an assura Jean-Luc Mélenchon dans une vindicte demeurée célèbre, et qui figure elle aussi sur la Toile, et le même promit, s’il parvenait un jour à l’Elysée, de lui en piquer un bon paquet au titre de la nécessaire égalité dans la République française."

Concentré de mauvaise foi ici, difficile de tout commenter.

Laurence Ferrari n’a pas du tout eu une place de choix dans la critique de Mélenchon (encore l’imagination d’Aphatie).

Il a en effet commenté son salaire dont le montant avait été estimé par Renaud Revel de l’express : salaire de ferrari

mais guère plus. Ce qui a aussi été repris sur la propre radio où officie Aphatie : pujadas sur rtl.

Le « perruche » s’adressait en effet à Ferrari ainsi qu’à Arlette Chabot et Anne-Sophie Lapix qui, sur le plateau où officie Aphatie à Canal +, avaient participé à un grand exercice de dénigrement de Mélenchon (Denisot organise le procès de Montebourg et Mélenchon).

"Hier soir, le candidat était face à la « perruche » au gros salaire. Regardez la vidéo que vous trouverez ici, TF1 news, replay de « Parole directe » diffusée après le journal de 20 heures."

Regardez la vidéo en effet (ici par exemple : invité de parole directe), car Aphatie ne vous rapportera (et de manière déformée) qu’un passage tout à fait mineur (viens te plaindre qu’on parle pas de l’euro, après ça !)

"Vous entendrez ceci à partir de 2’33 :

- Vous avez dit beaucoup de bêtise sur mon salaire, M. Mélenchon, susurre Mlle Ferrari"

Ici, il manque une réponse de Mélenchon qui expliquait que les bêtises, c’étaient d’autres qui les avaient dites (Revel, Poincaré de RTL, Le Matin, journal suisse etc.)

"- Je les retire si vous voulez, répond M. Mélenchon.

- Merci beaucoup, ressusure la journaliste

- Si cela doit faciliter notre dialogue, précise l’homme politique

- J’apprécie beaucoup, termine la journaliste

Que faut-il retenir de cet échange ?"

Certainement pas ce que va en tirer Aphatie, vous avez vu sa mauvaise foi sur le début du billet, imaginez la suite…

"Bien sûr l’analyse matérialiste du Front de gauche sur la nocivité des journalistes demeure puisqu’elle est le produit dialectique d’un raisonnement raisonné. Mais voilà, on peut être un vrai révolutionnaire, on n’en est pas moins un homme."

Ben oui, on peut être poli avec les gens et critiquer le système auquel ils participent. Désolé Aphatie si t’as pas compris ça.

"Quand on a devant soi le titulaire d’un gros salaire, il n’est pas si facile de lui dire qu’on va le lui piquer. Et puis, c’est si bon, si doux, si agréable, de passer sur TF1 pour porter le message de la révolution."

Ce n’est pas du tout pour ça qu’il retire le montant du salaire qu’il avait tiré du papier de Revel et le mot de « perruche ». Mélenchon au contraire a dit (juste avant le passage rapporté par Aphatie, d’ailleurs) qu’elle risquait de perdre gros avec le programme du Front de Gauche.

"Si Paris vaut bien une messe, la conquête du peuple de France ne vaut-il pas une contrition publique, devant le sourire charmeur de Laurence Ferrari en plus ?"

Je passe sur ces pauvres sarcasmes à 2 balles ?

"A part quelques pisse vinaigre dont on pourrait à l’avance écrire la prose tant ils sont prévisibles, qui donc s’offusquera de ce demi-tour droit dans ses bottes du "terrible" M. Mélenchon ? Personne. J’ai dit des conneries sur le salaire de Mamzelle Ferrari ? Je les retire. Illico presto. Mais je maintiens le reste. Au nom de la lutte des classes. Et de la Révolution."

Et bien oui, on peut avoir un exemple un peu foireux tout en gardant le fond de la critique qui s’appuie sur bien d’autres choses. Il n’y a pas de demi tour ici, ni sur la critique médiatique, ni sur le salaire maximum. Il y en a peut-être dans les rêves d’Aphatie. Et puis retire ces guillemets à "terrible" Aphatie ! C'est toi qui vient de lui attribuer cette épithète.

"Si vous avez le temps, peut-être ne l’aurez-vous pas, je comprends, allez donc à 18’58 sur cet entretien d’anthologie. Laurence « perruche » Ferrari pose une question d’apparence anodine :"

On voit que depuis le début Aphatie fait tout pour que personne n'aille voir ce qui s'est effectivement dit à l'antenne. Flipperait-il à l'idée que les gens puissent vraiment comparer avec ce qu'il dit ?

- Regrettez-vous certains de vos excès verbaux ou de vos coups de gueule ?

Téléspectateur ordinaire de l’échange, on croit connaître d’avance la réponse. Un tribun du peuple, « je suis le bruit et la fureur » avait dit un jour de lui-même Jean-Luc Mélenchon, ne regrette rien de ce qu’il dit, jamais, car il le pense, son esprit sans cesse préoccupé par le bien du peuple, et donc inspiré par l’ardent souci d’en exprimer les attentes dans des diatribes susceptibles de faire avancer sa cause en faisant trembler les puissants."

TL;DR

"Or, surprise, hier soir, Jean-Luc Mélenchon, a abaissé la grand-voile, ramené le foc et replié le spi (suis pas voileux). Voici, au mot près, la déclaration du candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle :"

Au mot près dans l’imagination d’Aphatie une fois de plus ! Il y a un préambule qu’Aphatie omet dans sa grande honnêteté journalistique et qui change le sens du petit tronçon de dialogue rapporté (sans parler du ton de voix).

"- Il m’est arrivé dans la taquinerie, des fois peut-être, d’aller un peu au-delà de ce qui aurait été nécessaire. Par exemple avec vous.

Laurence « perruche » Ferrari a doucement cligné des yeux. Clap de fin. Vive la Révolution, camarades!"

Eh oui, camarade Aphatie, c’est pas parce qu’on est révolutionnaire qu’on n’a pas de sentiments humains. Et l’invective « perruche » n’est pas le fond de notre critique contrairement à ce que tu sembles penser. On peut la retirer sans dénaturer le reste.

Je vous laisse juger après cela de ce qu’il faut apporter de crédit au reste des chroniques du misérable Aphatie.

J'ajoute ce commentaire d'un ami fb :


"Peut-on attendre de monsieur Apathique ou Emphatique, je ne sais plus, que sa conception du métier de journaliste consistât en autre chose que du journalisme pour et par les journalistes ? J'en doute, c'est un homme de son temps, et les banquiers font de l'argent par et pour l'argent et rien d'autre, pourquoi pas lui...? Le monde derrière compte bien peu, pour lui comme pour sa caste de clercs médiatiques, garants du sacro-saint et immuable Ordre providentiel pourvoyant chaque jour à l'augment indéfini de sa garde-robe de cravates satins, l'important c'est de bien faire comprendre que selon l'étiquette des Salons, si vous manquez ne serait-ce qu'une seule fois d'égard à l'étiquette, on ne vous accordera plus jamais le pardon de croire vos civilités sincères. Il n'y a que l'opprobre et le dénigrement pour ceux qui, fraternellement rien de plus, par une gifle bien administrée croient pouvoir tirer de leur confortable léthargie les tartuffes mystifiés eux même par le rite qu'ils pratiquent sous l'aile des puissants."

Si ça vous plaît pas, qu'on comprend rien, que c'est qu'un ramassis de banalités, dites le ! Commentez ! J'adore le débat qui fait progresser les idées.

vendredi 30 septembre 2011

Dernière note du blog de Jean Luc Mélenchon

(que je n'arrive pas à partager sur facebook à partir de son site)

Cette note est faite au sortir de l’hémicycle du parlement européen, juste après le discours sur « l’état de l’union » prononcé par monsieur Barroso. Mazette ! C’est le jour où a été proposée la taxe Tobin en Europe par la figure de proue de ceux qui l’ont toujours combattue. J’évoque quelques souvenirs personnels sur le sujet. Auparavant un petit mot rapide sur le deuxième débat de la primaire socialiste. Ensuite je dis un mot de la crise boule de neige dans laquelle entre la droite à partir de sa défaite aux élections sénatoriales et au moment où le rebondissement incroyable des affaires peut finir par fonctionner comme un empêchement de candidature pour le président sortant. Et après cela j’évoque le harcèlement dont je fais l’objet avec certains pseudos « reportages ».

Le hasard de ma journée de travail ne m’a pas permis d’être devant l’écran de télé avant l’alentour de 21 heures. Je n’ai donc vu que la fin du deuxième débat des primaires. Du coup j’ai commencé mon audition du sujet par la fin puisque j’ai bénéficié des commentaires d’après coup de messieurs Barbier et Jean-Marc Sylvestre. Leurs analyses rustiques m’ont aidé à y voir plus clair. L’un et l’autre ont distingué des « candidats de la raison » et ceux de « la déraison ». Les intelligents et les fous. C’est la resucée du « cercle de la raison » de monsieur Minc. Un clivage vu de droite dont je sais d’habitude de quel côté il place la gauche. Ma sympathie spontanée s’est donc immédiatement tournée vers ceux que Barbier et Sylvestre ont décrits comme coincés dans « l’incantation », « l’archaïsme » et ainsi de suite. Royal et Montebourg.

Le fait est que ces deux candidats ont parlé dru comme j’ai pu le vérifier en surfant ensuite sur internet pour en savoir davantage. D’une façon générale j’ai bien senti que le centre de gravité du débat était bien davantage sur la gauche que lors du premier passage. Pour nous, le Front de Gauche c’est excellent car cela désenclave notre univers de mots et de propositions. Il est important que ce genre d’émission et la parole des dirigeants socialistes fasse entendre une musique qui donne le goût de nos propres concerts. Du coup les poussées de Manuel Valls sur la TVA sociale, les reculades de Hollande sur les licenciements boursiers, la timidité sur le SMIC ressortent plus brutalement que s’ils avaient été dissous dans l’eau tiède d’un débat plus centriste. Chaque fois que l’ambiance donne du goût de gauche c’est bon pour nous.

En écoutant je guettais les réactions autour de moi, dans le restaurant de l’IBIS où je loge à Strasbourg. J’ai vu que les gens qui écoutaient n’avaient pas d’idée préconçue sur les personnages qu’ils découvraient. J’en déduis que les sondages vont se planter, une fois de plus. Cela recoupe ce que j’ai pu voir en bavardant ici ou là. Et notamment dans la manifestation des enseignants à Paris où je tenais le point fixe avec les autres animateurs du Front de Gauche. La vérité c’est que j’y ai passé l’essentiel de mon temps le nez dans les bouquins qu’on me demandait de dédicacer et notamment le programme « L’Humain d’abord ». Mais cela me donnait l’occasion de petits bavardages qui en disent plus long que certaines conversations. Je dois dire que nombre de nos électeurs déclarés m’ont dit qu’ils avaient pourtant l’intention d’aller voter aux primaires socialistes. A tous j’ai expliqué pourquoi moi je n’irai pas puisque je n’ai pas l’intention de voter pour le programme du PS ni pour son candidat. Personne ne me l’a reproché. On devine que j’ai cependant été pressé d’exprimer une préférence. Mais je ne l’ai pas fait, bien sûr. Nous ferons face avec le personnage que ce vote désignera. Dans cette manifestation c’est Montebourg sur lequel on m’interrogeait le plus. Les gens ne sont pas bêtes. Ils voient bien la proximité de son discours avec celui du Front de Gauche. Et comme la gauche du PS n’existe plus, il cristallise donc ce courant dans l’électorat des primaires. De même que Royal, j’en suis certain, a dû marquer des points avec ses propos contre les banques et les licenciements boursiers. Pourquoi devrais-je le taire ? Encore une fois, cela fait les affaires de nos idées. Et quand on m’a trop sollicité pour savoir ce que je comptais faire avec Montebourg, comme si c’était une question personnelle, j’ai répondu que j’en ferai volontiers mon premier ministre. Hollande ne peut pas en dire autant. J’espère que vous aimerez cet humour.

Ce matin 28 septembre, grand jour au parlement européen. Discours de monsieur de Barroso sur « l’état de l’union ». Sa proposition centrale est de créer une taxe sur les transactions financières. Certes, avant d’y venir, le discours enfile les tautologies bien pensantes. Non sans lucidité parfois, comme un aveu. « La situation est le plus grand défi de toute l’histoire de l’union. C’est aussi une crise de confiance à l’égard des dirigeants et de leur capacité à trouver des solutions ». A ce niveau de généralités, enrobé de compliments pour le parlement, le discours séduit la droite masochiste. L’analyse des causes de cette situation est assez générale aussi pour plaire largement. « Certains pays ont vécus au-dessus de leurs moyens », « l’Europe n’a pas su relever les défis compétitivité », « certains comportements financiers ont été irresponsables ». Et de « proposer un renouveau européen ». Pourquoi pas. Mais voilà la limite : « Avec nos institutions et non contre elles ». Le plus surprenant est alors le compliment que lui adresse Martin Schultz au nom du groupe socialiste. Il le qualifie de « réaliste et de combatif ». Il l’en « félicite ». Et ainsi de suite. Schultz sera bientôt élu à la présidence du parlement avec la droite. Il cotise donc au flot des poncifs et congratulations. Oublions. Voyons le reste du discours Barroso.

La parole du président de la Commission s’est faite un peu aigre douce. Et même un peu vindicative. Il rappelle qu’il existe un gouvernement économique et qu’il en est le chef. Double coup de gueule ! « L’Europe a besoin d’une autorité indépendante comme la Commission pour avancer et prendre les décisions courageuses ». « Les gouvernements ne peuvent pas le faire ». « La commission est le gouvernement économique de l’union, nous n’avons pas besoin d’autres choses. » A bon entendeur salut ! Le reste est connu. C’est un plaidoyer pour les mesures bricolées dans l’été et la fin de l’année écoulée avec le succès que l’on a pu constater. Sinon qu’on apprend de sa bouche que le Fonds Européen de Stabilité devra en effet « soutenir la recapitalisation des banques ». Il propose aussi de faire cet instrument un moyen d’achat de dette souveraines sur le marché secondaire pour « empêcher la contagion ». Mais de changer le rôle de la Banque centrale, pas un mot. Sinon pour l’enjoindre d’agir dans le cadre des traités. Donc de ne se pas se mêler du financement des Etats pour leurs dettes souveraines
Pour autant le discours, nonobstant les poncifs, développe une vision cohérente de l’avenir que les orateurs de la droite ont repris, chacun à leur manière, à sa suite. Il s’agit d’approfondir la « coordination de la zone euro » par l’imposition de règles communes s’imposant aux Etats « incapables de prendre les mesures chacun devant leur opinion ». Joseph Daulh, UMP, président du groupe de la droite va plus loin. Il souligne que les élections dans chaque pays vont être un obstacle supplémentaire aux bons choix ! Bref, la démocratie quel encombrement ! Pour Barroso le progrès c’est d’avoir imposé le semestre européen. « Donc nous pourrons discuter des décisions budgétaires avant application dans les différents pays. » La souveraineté populaire voilà le problème. Telle est la vision de l’achèvement de l’union comme il le décrit : « Achever les objectifs monétaires par des objectifs budgétaires communs. » Selon lui ce serait « une illusion de croire possible une union monétaire sans union économique et une coordination budgétaire ». Dit comme ça, pourquoi pas. Mais le fond de l’affaire est que le fil conducteur de cette coordination c’est la dérégulation, le recul de l’Etat et la concurrence libre et non faussée pour tous. Donc ce qui nous a plongé dans la crise et rendu impuissants à y répliquer. Parfois on se pince en entendant la psalmodie des recettes éculées que Barroso rabâche. « Développer la croissance grâce à l’application de la directive service. » « La réforme des systèmes des retraites est urgente ». Et enfin le plus grotesque : « Un quart de jeunes n’ont pas d’emplois en Europe. ! Je lance un appel aux entreprises pour proposer des stages aux jeunes ! Les fonds sociaux peuvent les aider. Mieux vaut un stage que rien ». Consternant !

Puis il évoque les « euros obligations » dont il se déclare partisan comme « instruments de stabilité ». Là-dessus il annonce des propositions à venir. Sans dire lesquelles. Mais, au détour, il note que certaines de ces propositions « seront conformes aux traité et d’autres non. » Alors ? « Il faudra donc faire des modifications des traités.» Ah bon ! Donc c’est possible ! N’est-ce pas ce que nous disons depuis des mois et des mois ? Et Barroso d’ajouter « qu’aujourd’hui règne la règle de l’Etat le plus lent. » « Souveraineté nationale disent-ils ! Mais les autres pays ont aussi une souveraineté nationale et ils ont le droit aussi d’aller plus vite. » Voilà ce qu’il faut noter pour mes répliques quand je dis que nous pouvons avancer avec ceux qui veulent vers l’harmonisation sociale et fiscale par le haut. En effet on me réplique chaque fois que j’ai une vision « brutale » ou que je veux faire « l’Europe française » ou que « les autres ne veulent pas ».

Vient la proposition phare de la matinée. « Ces trois dernières années, les Etats, je devrais dire les contribuables, ont donné 4,6 trillions d’euros de garanties financière. Il est temps pour le secteur financier d’assumer ses responsabilités ! ». 50 milliards de revenus sont attendus par lui de la taxe sur les transactions financières. Crise de bolchévisme ? Non ! « Questions d’équité ! » « Le secteur bancaire doit aussi apporter sa contribution. Allons-nous encore taxer le travail et la consommation ? » Voilà qui est très nouveau. Il y a trois mois de tels propos ne s’entendaient pas autrement que comme un amusant folklore gauchiste. A présent, c’est parole officielle. Pour autant, la confusion reste de mise entre décideurs européens du même camp. Voyons le détail du moment.

Le Fond Européen de Stabilité est décrété d’ores et déjà insuffisant par une partie de ceux qui l’ont créé. Ils auraient gagné du temps pour le savoir en lisant les textes de notre mouvance. A peine ce diagnostic est-il posé par les uns que les autres, dont le ministre des finances allemand, le qualifient de « stupide ». Tout en nuance. A cet aveu et cette prise de cheveu s’ajoute une série de projets spécialement calamiteux. Le premier serait de recapitaliser les banques avec ce fond, comme l’a proposé Barroso. Quelle trouvaille ! Les états vont emprunter aux banques pour prêter aux banques ! C’est fort ça ! Deuxième absurdité. Le Fond va acheter sur le marché secondaire des titres de dettes publiques. A qui ? Aux banques qui s’en sont gorgées ! De l’argent frais contre du papier pourri ! Génial. Mais prêter directement aux Etats ? Jamais ! Rien n’arrêtera donc le désastre en cours. Avant la catastrophe des petits malins vont gagner beaucoup d’argent. Ça leur donnera l’illusion que la fête n’aura pas de fin ! Vieille illusion. Puisque Barroso vient de proposer la création d’une taxe sur les transactions financières, je veux faire une part spéciale à mes souvenirs personnels à propos de cette taxe. Surtout à l’heure où le Sénat français change de majorité.

Car il se trouve que j’ai présenté le premier texte au Sénat en faveur d'une taxation sur les transactions financières, le 1er décembre 1999. Quelques jours auparavant j’avais participé avec dix-sept sénateurs à la création d’un groupe Attac du Sénat. Notre texte se présentait sous la forme d’un amendement au projet de loi de finances pour 2000. Je siégeais alors au groupe socialiste. J’y fus peu suivi. Mais le recrutement des signataires s’étendit à tout le groupe communiste. Nous étions pour finir quarante-six sénateurs à cosigner. Notre texte proposait de taxer toutes les transactions à hauteur de 0,05%. Des amendements similaires avaient été déposés à l'Assemblée Nationale en 1998 et 1999 par les députés communistes et les députés de la Gauche socialiste Yann Galut et Julien Dray.

Au Sénat, le gouvernement Jospin, représenté par le secrétaire d'Etat Christian Pierret, avait demandé le retrait de l'amendement. J’avais refusé d’obtempérer. L'amendement avait donc été maintenu mais rejeté. 53 sénateurs ont voté pour sur 260 exprimés. 207 ont voté contre. Dont un maximum de socialistes en plus de toute la droite. A l'annonce du résultat, la sénatrice communiste Hélène Luc s'est exclamé : "Dommage ! Ça viendra un jour ! ". Je tiens à signaler que Jean-Pierre Bel, sans doute très bientôt président du Sénat, figurait dans les premiers signataires. Le texte des débats est disponible sur les sites internet du Sénat et d’Attac.

En relisant le texte de mon intervention en séance publique je mesure quel gâchis a été le temps perdu sur ce sujet. Tout ce qui est dit alors pourrait être répété mot pour mot. C’est bien notre diagnostic à l’époque qui était le bon ! Douze ans de perdus ! Je rappelle ce moment pour le seul bonheur de montrer qu’aucun combat juste n’est mené en vain quand bien même il commence sans grands renforts. Non seulement l’écrasante majorité de membres du groupe socialiste me tourna le dos mais je fus comme aujourd’hui accablé de sarcasmes. L’idée serait « ridicule », « inapplicable », bien sûr, dans un monde ouvert et Bla Bla Bla ! Pire : le rapporteur de la majorité de droite déclara que ma proposition faisait honte à l’intérêt des travaux d’une assemblée aussi sérieuse que le Sénat. Rien de moins. Je rappelle cet épisode pour le bonheur de moucher toutes ces belles personnes douze ans après de nouveau en les confrontant au bilan des faits !

L’idée avança dans les assemblées en dépit des blocages. En particulier contre celui qu’opérait Dominique Strauss-Kahn. Bernard Cassen, alors président d'ATTAC et directeur du « Monde Diplomatique », raconte que "dans un document accompagnant le projet de loi de finances 1999, le ministre avait fait tenir aux députés une longue charge, complètement hors sujet, contre la taxe Tobin. Avec ce résultat paradoxal que trois amendements à ce projet de loi, réclamant précisément l’instauration de ladite taxe, avaient ensuite été déposés par des membres de sa majorité parlementaire ! Dans la nuit du 15 au 16 octobre 1998, M. Strauss-Kahn, arraché à son sommeil par l’un de ses conseillers, avait dû revenir en catastrophe dans l’hémicycle pour empêcher qu’ils soient adoptés…"

Obstruction dont il ne démordit jamais. A la suite du G20 de Pittsburgh, un échec total déjà, en octobre 2009, il qualifie l'idée de taxation des transactions financières de : "tout à fait simpliste" et "très difficile à mettre en œuvre". Puis en novembre 2009, il revient à la charge pour disqualifier la taxe : « l’industrie financière a fait de telles innovations qu’il est probablement impossible de trouver une taxation sur les transactions qui ne serait pas contournée par les potentiels contributeurs ». Il en rajoute : « Nous ne voulons pas d’une solution extrêmement simpliste qui ne serait pas effective ». Mais, nous non plus, nous n’avons rien lâché. Et pour finir en 2001 et la loi de finances pour 2002 nous obtenions un vote favorable de l’Assemblée Nationale. Il donna lieu à l'article 235 ter ZD du code général des impôts qui prévoit une telle taxe et fixe un taux maximum de 0,1%. Jamais appliqué cependant puisqu’il est précisé que cela ne se mettra en œuvre que si tous les autres pays européens en font de même. Notre victoire était peut-être symbolique mais elle a préparé le terrain. Le 14 juin 2011, l'Assemblée a adopté à la quasi unanimité dont le Front de Gauche, une résolution proposée par le PS demandant à la Commission la mise en place d’une taxe de 0,05% sur les transactions financières dans l’UE, « ou à défaut d’abord au niveau de la zone euro ou d’un groupe de plusieurs États membres de l’UE ». C’est la solution que le sieur Barroso vient de découvrir. Pris dans les méandres de l'Union européenne, le projet de taxation présenté aujourd'hui ne pourra être appliqué au mieux qu’en 2014. Quinze ans de perdus depuis notre proposition devant le Sénat en 1999. Et maintenant que les voilà contraints de faire amende honorable, quelle timidité ! Je déplore en effet que la proposition Barroso envisage une taxation réduite pour les produits dérivés. Ce sont pourtant les transactions les plus massives et les plus nocives pour l'économie. Pour autant on peut se frotter les mains.

Car la proposition Barroso apporte un cinglant démenti à tous les beaux esprits qui ont expliqué pendant 15 ans combien cette taxe serait « dangereuse », « irréaliste », « inapplicable » et ainsi de suite. Ce n’est pas tout. Elle démontre aussi qu'il est possible, comme nous l’affirmons, de désobéir au Traité de Lisbonne qui interdit les limitations à la libre circulation des mouvements de capitaux ! Enfin cette proposition prouve aussi qu'il est possible d'appliquer cette taxe à un groupe de pays sans attendre que tous les autres l’aient décidé. En effet Barroso envisage la mise ne œuvre de sa proposition dans le cadre d’un projet de coopération renforcée. Nous lui laissons la joie de découvrir ce que le traité prévoit en la matière si l’interdiction tout à fait explicite qu’il contient concernant les mesures d’harmonisation fiscale parvient à être contournée.

Dans ces conditions, et sans attendre une éventuelle décision européenne en 2014, je crois possible l'application immédiate en France d'une taxation des transactions financières, comme nous y autorise déjà l'article du code des impôts, voté par la gauche en 2001. Et je peux dire que si en 2012, le Front de Gauche arrive au pouvoir, il pourra décider immédiatement d'appliquer une telle taxe de manière uniforme sur tous les types de transactions sans butter sur l’interdit européen. Et du coup d’autres propositions d’harmonisation fiscale seront aussi possibles. Il faut donc ouvrir la brèche dès à présent.

Pour la droite, la défaite aux élections sénatoriales ne peut être autre chose que celle de Nicolas Sarkozy. Elle s’ajoute à tout ce qui est déjà mis à son passif. De la sorte un seuil est franchi et qui croirait à une péripétie se tromperait, me semble-t-il. La spirale dépressive semble enclenchée. Je pense qu’il faut voir le nouveau tableau dans son ensemble. Et donc rapprocher ce tremblement de terre institutionnel avec le démarrage de l’affaire des inculpations dans l’affaire de Karachi. Sans oublier le retour de la comptable de l’affaire Bettencourt et de ses déclarations concernant l’usage de ses enveloppes. Il y a toujours un crochet de boucherie disponible à droite pour l’un ou pour l’autre. Car dans ce contexte à droite, ceux qui souhaitent empêcher Nicolas Sarkozy de se représenter ont de solides matériaux pour faire leur travail. Tout poussera dans ce sens. Ce que Nicolas Sarkozy avait tricoté avec sa victoire de 2007 part en lambeaux. L’unité contrainte ou forcée de son camp politique est minée par le retour de la bataille des coups tordus et les espérances que Karachi et Bettencourt donne aux vieilles haines. La suprématie idéologique dans la société qu’il voulait incarner est torpillée par la crise et l’échec de toutes ses méthodes et promesses. Depuis, ce qui se fait et décide indispose tout le monde à la fois. Un paradoxe qui fait se joindre midi et minuit dans un rejet unanime. En atteste la conjonction baroque du public et du privé dans la journée d’action enseignante. Le temps dont dispose le président pour reprendre la main est moins long que ce que l’on peut deviner de sa pensée sur le sujet en lisant les indiscrétions de presse. La fin du quinquennat pourrait aussi bien tourner à la crise de régime si se combinait l’impuissance institutionnelle, le scandale, et enfin la paralysie à faire face à une nouvelle crise bancaire. Sans oublier les risques liés à l’Etat de délabrement de l’Union européenne. La fin de ce quinquennat ressemble à une fin d’un monde.

Un mot, contraint et forcé par la campagne de harcèlement dont je fais l’objet à propos d’un micro incident à la Fête de l’Humanité. Comme d’habitude en de telle circonstance, un habile montage bien rabâché me contraint à des heures perdues à expliquer et démentir auprès de l’habituel lot de crédules ou d’inquiets qui viennent se faire rassurer en aggravant la propagation des fausses nouvelles. Sans oublier ceux qui protestent parce que je perds mon temps à répondre à ce qu’ils considèrent comme des vétilles. Gâchis de temps et d’énergie car encore une fois il s’agit juste d’une mise en scène, rien de plus. Je fais descendre de la tribune où elle n’avait rien à faire une personne qui y était montée en dépit des consignes et dans l’incroyable tension qui régnait sur place à l’occasion de la visite de Martine Aubry sur le stand du Front de Gauche. J’observe avec effarement le mécanisme de cette nouvelle production de « l’information-spectacle ». D’abord un court extrait de quelques secondes, hors contexte, tiré de mes trois jours de présence à la Fête de l’Huma. Il est présenté huit jours après les faits, sans possibilité de répondre, par des gens qui n’en ont pas parlé autrement que pour s’en moquer. Puis, la question étant sans doute d’importance décisive, l’AFP en fait une dépêche. Ce n’est déjà pas banal. Le journaliste qui se trouve là, n’a sans doute rien à faire et il prend donc le temps de décrypter tous les échanges de la scène. A moins qu'on lui ait procuré le texte avant, ce que je lui souhaite car le son n’était pas très bon. Ce qui est encore moins banal c’est que cinq « mises à jour » seront diffusées dans l’après-midi ! Cela veut dire que cette information a été rediffusée à cinq reprises à tous les abonnés de l’agence. Cela s’appelle « faire monter la mayonnaise ». Aussitôt des sites internet embrayent. Pas tant que ça, quand même ! Et le lundi certains organes de presse papier reprennent. Pas tous, loin de là, car il existe des journaux, dans le pays, qui n’avalent pas tout rond les potages qu’on leur sert à la chaîne. Une mention spéciale pour le journal « Le Progrès » dont j’ai été l’humble pigiste il y a bien des années. Il affirme que j’ai expulsé « manu militari » l’impétrant. D’une main militaire ! Rien que ça ! Puis arrive l’inépuisable Jean-Michel Aphatie dans le wagon de tête des lyncheurs. A croire que cette histoire est taillée sur mesure pour lui. En effet pour une raison très ancienne, cet homme n’en finit plus de régler un compte avec moi. Déjà deux papiers sur son blog consacré à un but de pur dénigrement personnel. Voici sa thèse : certains pourraient croire que ma violence verbale était réservée aux journalistes, mais non elle l’est à l’égard de tout le monde. Je suis donc un violent. Dans une campagne électorale, et je suis en campagne depuis trois ans, c’est un parti pris militant contre moi. Est-ce une relation normale entre un journaliste et un homme politique que cet acharnement personnel ? Je ne le crois pas. Mais il se donne l’apparence d’un point de vue personnel sans implication politique. Je préfère répondre par l’humour. Je lui propose d’autres sujets de « reportages » qui feront la démonstration de mon incroyable violence verbale: quand je plante un clou et que je me tape sur le doigt, quand mon ordinateur me plante un texte mijoté pendant des heures. Ah oui, il y a aussi le moment où ma stupide machine à café me sert un breuvage tellement brûlant que la tasse me tombe des mains. Et quand la lumière de la cave s’éteint alors que je suis en train de ranger d’ineptes cartons mous et mal scotchés. Et ainsi de suite. Avec moi, Aphatie n’a pas fini de faire des « mises à jour » de sa brillante démonstration. En effet, je suis un être humain.

Au cas de ce jour-là, voici la situation. Martine Aubry est en train de sortir du stand du Front de Gauche. Dehors des gens crient contre elle. Nous sommes tous très mal à l’aise car notre intention politique en l’invitant n’était pas qu’elle soit mal traitée. Certains d’entre nous sont sous le choc. Car auparavant la bousculade des photographes et des caméramen avait atteint des sommets. Pour ma part aussi je n’avais jamais vécu ça. Des gens se piétinent et avancent en masse confuse de coups de coude et de caméras. Le service d’ordre, militant et bénévole, qui assure ma sûreté est enfoncé, la tribune est envahie par les professionnels, des gens se frappent et se bousculent, quantités de perches nous sont placées sous le nez. Impossible de parler tellement dans les cris et les vociférations. Tout cela, les médiacrâtes bronzés et parfumés, qui ne gagnent pas leur pain dans cette bousculade et qui n’ont pas été sur le moindre terrain depuis des années ne s’y intéressent pas. Comment a-t-on pu en arriver là ? Ces malheureux gagnent leur vie de cette façon ! Là, leur façon de suivre l’événement rend l’événement impossible ! Ce paradoxe me semble spectaculaire.

Voyons aussi du côté des personnages que vise cette activité. Nous. Martine Aubry est très affectée, François Lamy saute après les perches à micros comme après des mouches. Martine, elle-même, arrache un bonnet de micro. La ligne de camarades qui se trouve derrière moi recule vers le mur et tâche de faire bonne figure. Tout ce que nous avions prévu de faire tombe à l’eau. Impossible de contenir la situation. On décide d’en rester là. Martine repart. Nous avons la rage de voir ce gâchis humain et politique. Nous sommes restés de sang-froid pendant toute la scène. Survient dans mon dos quelqu’un qui veut prendre la parole. Qui est-ce ? Pas de badge, pas d’insigne que je discerne. Ami ou ennemi ? Je ne comprends pas ce qu’il dit. Va-t-il prendre la parole ? Pour dire quoi ? Compte-t-il s’en prendre à moi ? Dire du mal de la visite de Martine Aubry ? Je ne sais pas. Le service d’ordre hésite. J’assume ma responsabilité. Je donne une consigne.

J’ai bien dit une consigne. Un militant politique peut le comprendre dans ce contexte si tendu, c’est pourquoi j’ai évoqué cette qualité à ce moment à la personne qui se trouvait là. Je ne veux pas d’une prise de parole sauvage qui sera ensuite le plat qu’est venu chercher, à la commande, la caméra qui va filmer cette scène. Voilà. Ceux qui préféreraient que j’aie parlé autrement ne tiennent pas compte de l’ambiance qui régnait ni de la nécessité qu’une volonté impérieuse s’affirme pour que la situation soit de nouveau maîtrisée. Je suis naturellement désolé du style pour la personne concernée. Ceux qui ont dominé une telle situation sans hausser le ton ont toute mon admiration. Que quelques bonnes âmes n’aiment pas ce style montre à quel point ils n’ont plus aucun contact avec la réalité. L’appel à la discipline militante fait jaser. Le mot fait peur ? Pourquoi ? Ma propre vie est faite d’une discipline constante. Permanente. Du matin au soir. Notamment pendant cette Fête de l’Humanité. Mon emploi du temps, mes discours, mes textes, mes allées et venues, tout est décidé collectivement, planifié et soumis à cette discipline, heure par heure. J’y obéis de mon plein gré parce que je suis un militant et un responsable politique qui ne veut pas gâcher la peine que se donnent les dizaines de personnes que l’action engage. Deux provocateurs armés d’une caméra et un chroniqueur mal dans sa peau n’y changeront rien.

La suite m’est connue. D’un passage en boucle à l’autre la scène est raccourcie, de plus en plus hors contexte. Et puis un jour, comme avec le sketch du « petit journaliste », longtemps après, on découvre que quelqu’un avait filmé davantage, sous un autre angle et plus longuement. Et alors la manipulation éclate au grand jour. Mais c’est trop tard. Le mal est fait. Dans mon cas il s’agit d’un véritable harcèlement. Certains s’y livrent faute de sujet du jour, d’aucun par ce que cela les amuse, d’autres enfin parce qu’ils ont des comptes à régler, personnels ou politiques. Dans tous les cas ceux qui me demandent des marques de respect pour les autres ne m’en accordent guère ni comme personne ni comme homme politique.

Ici l’hypocrisie du beau monde est extrême. Tous les trois semaines, entre deux billets insultants sur son blog, Jean-Michel Aphatie, tout miel tout sucre et dans un tutoiement de connivence appelle mon secrétariat pour me proposer de venir à son émission du matin. Il me fait aussi passer des messages par des connaissances communes. Il suggère dans son blog que je le boycotte. Mon emploi du temps n’a pas rendu possible pour moi de répondre à ce qui s’apparente davantage à une convocation qu’à une invitation. Ses harcèlements actuels participent d’une vindicte obsessionnelle qui ne me flatte d’aucune façon et même paraît très inquiétante. Jean-Michel Aphatie, changez de disque, allez détester ailleurs !

vendredi 11 mars 2011

nième variation

Pourquoi faut-il adhérer à un parti ?

Variations précédentes sur le même thème :

Ce qu'est un parti.
Sur l'égoïsme.
Insuffisance du vote.
En finir avec la droite 2.
En finir avec la droite 1.

Parce que c’est le meilleur moyen pour nous libérer de l’emprise de l’oligarchie en en libérant les partis qui sont les instruments de la prise du pouvoir. (Même en cas de révolution par soulèvement spontané du peuple, il vient toujours un moment où le pouvoir revient à une organisation structurée et il faut faire en sorte que ce soit à la bonne.)

Il y a des enjeux financiers derrière une organisation politique qui sont essentiels et qui mettent actuellement les partis à la merci des grands groupes (des lobbys).

En adhérant, on participe à l’indépendance financière et idéologique des partis, par sa cotisation et par son apport humain.

Apport humain pour ce qui est des idées et des compétences que l’on met au service du parti pour l’élaboration du programme, des projets de lois etc.

Comment fait on actuellement dans les grands partis ? On a recours à des fondations, dont le financement est dépendant du bon vouloir de riches personnes ou d’entreprises ou bien on reprend des projets de loi clés en main livrés par des lobbyistes à la solde du medef et autres organisations de philanthropes. Cette situation est inacceptable. L’accepter revient (au mieux) à se soumettre à une sorte de despotisme éclairé (on est soumis au bon vouloir d’un riche philanthrope qui financerait la fondation et aux experts qui participeraient à l’élaboration du programme). Or le despotisme éclairé, ça n’a jamais marché, ça ne marchera jamais. Au mieux, on pourrait imaginer que ça marche un temps mais quand le philanthrope n’a plus d’argent ou décède, on retombe dans la situation antérieure à l’arrivée du philanthrope providentiel, c’est-à-dire qu’on se retrouve avec des partis (donc l’ensemble de la politique d’un pays) soumis aux bon vouloir d’une oligarchie qui n’a en vue que son nombril.

Il faut que le peuple cesse de se reposer sur la dictature des experts en tous genres et se mêle de tout et surtout des aspects techniques de la politique. Ces problèmes se traitent essentiellement dans les partis et le lieu pour faire entendre sa voix sur tout ça, c'est avant tout le parti.

Apport humain pour l’aspect publicitaire (c’est-à-dire pour la propagande).

Il faut être indépendant des réseaux médiatiques pour que nos idées et la force qui les défend dans les luttes politiques puissent avoir une visibilité sans faire de concessions aux oligarques sur les messages que l’on veut porter.

Considérez comment les médias font de leur mieux pour repeindre quiconque défend des thèses un peu trop à gauche en danger pour la démocratie, en exagéré inconscient. (Alors que c’est tout le contraire : ce sont ceux qui nous proposent de continuer comme avant qui sont inconscients et qui nous mènent à la catastrophe.)

Considérez comment ça se passe au PS : des gars comme Hollande, Valls ou DSK n’ont l’écho qu’ils ont que parce qu’ils ont plein d’amis dans les médias. Ce qui implique, en particulier, qu’ils ne soient pas trop ennemis des grands patrons qui contrôlent le système médiatique. Le résultat, c’est la droitisation du PS et le déni de la démocratie interne au parti. Les chefs se passent de l’approbation des adhérents parce que leur propagande se retrouve essentiellement portée par d’autres canaux (et pour finir, les adhérents eux-mêmes sont convaincus car tous nous sommes sensibles à la manipulation médiatique). Le message majoritaire véhiculé par le PS dans les médias est déconnecté de ce que pensent la majorité des adhérents du PS. Et au final, le PS se droitise effectivement y compris à la base parce que ceux qui choisissent d’y adhérer ne peuvent plus être que des gens attirés par les propositions de gens comme DSK ou Valls et que les anciens militants pas convaincus par les arguments de l’aile droite du PS quittent le parti.

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La démonstration ci-dessus ne touchera que votre raison. Il faut aussi vaincre vos préjugés et vos habitudes qui ne sont souvent qu’un masque qui cache un égoïsme mal compris.

Cessez de vous voiler la face avec l’espoir que tout va s’arranger grâce à un leader éclairé qui saura réveiller le peuple. (C’est croire au despotisme éclairé et vous n’y croyez que parce que ça vous simplifie la vie à court terme).

Cessez de croire que vous sortirez indemne de la crise et que c’est juste un mauvais moment à passer. (Et le réchauffement climatique ? Et la pénurie de matières premières, d’eau, la crise alimentaire, vous en faites quoi ? Et les mille et uns exemples de cataclysmes historiques qui ont renversés des civilisations au moins aussi florissantes que la nôtre, vous en faites quoi ?)

Et quand bien même vous êtes suffisamment privilégiés pour être effectivement hors de toute atteinte, avez-vous réfléchi à la vie que ça sera quand le pétrole sera à 1000 dollar le baril et que la misère sera partout avec la violence qui l’accompagne et que vous serez enfermé dans vos ghettos de riches entourés de chiens de garde pour vous protéger de la fureur des pauvres ?

Osez jouer la carte de l’altruisme, celle du collectif ! Engagez-vous ! Le civisme avant tout ! (Avant le travail, notamment et n’oubliez pas que le civisme, ça implique un travail considérable pour s’informer sur l'actualité et sur les mécanismes qui font marcher le monde qu’il s’agit de réformer) !

PS : Si vous cherchez un parti qui respecte la voix de ses militants, où votre implication ne sera pas dévoyée par des dirigeants qui vous ignorent, où ce sont les militants qui fixent le cap, qui ne soit pas inféodé aux intérêts de petits barons locaux qui jouent sur le clientélisme pour maintenir leur pouvoir, allez voir du côté du Parti de Gauche qui est un parti qui n'a pas encore assez de militants pour que vous y soyez noyé ni d'élu pour avoir été perverti et qui en plus fait de l'implication de tous dans l'activité politique sa marque de fabrique (Cf le thème de la révolution citoyenne).

Si ça vous plaît pas, qu'on comprend rien, que c'est qu'un ramassis de banalités, dites le ! Commentez ! J'adore le débat qui fait progresser les idées.