lundi 12 décembre 2011

Le minimum

C’est un peu toujours pour la même raison que je me répands sur internet : pour soumettre au débat deux ou trois choses que je pense avoir comprises sur la démocratie et, si possible, en tirer quelques conclusions pratiques, applicables immédiatement.

Pour préciser encore le genre de choses sur lesquelles je m’interroge, disons que c’est sur le pouvoir : d’où il vient, par où il passe, où il va, comment on l’attrape, comment il nous échappe etc. et pardon pour la redondance éventuelle dans ces questions.

Mon impression, c’est que c’est particulièrement difficile de répondre à ce genre de question en démocratie (et même dans une démocratie avec beaucoup de défauts comme la nôtre). En effet, le pouvoir y est fortement dilué en principe (coupé en parts égales entre des millions de citoyens), si bien qu’il en devient très souvent largement invisible. Il se déploie et se concentre à travers de multiples mécanismes où seul un œil exercé peut le surprendre. Puis vient le jour du vote où il se matérialise aux yeux de tous avant de reprendre son évolution mystérieuse dans la minute qui suit le dépouillement.

Parlons du vote, qui est donc la partie la plus visible du processus démocratique, si bien qu’on en arrive à négliger les autres. Ce n’est en fait qu’une toute petite partie du processus mais arrêtons nous dessus, ce sera une occasion d’amener subrepticement le reste sur la table.

Car enfin, l’importance démesurée donnée au vote a au moins cette vertu d’intéresser périodiquement à la politique des gens qui ne s’y intéressent pas en temps normal. Pour tous ceux qui veulent travailler à remettre l’activité politique au centre de la vie des gens (là où elle devrait être, puisque, comme le dit Aristote, c’est d’elle que dépend le Bien Suprême [1]) la saison des élections, c’est la saison de la pêche, qu’on espère miraculeuse.

Cet écart entre la visibilité du vote et son importance réelle dans le processus démocratique a aussi ses côtés négatifs. En dehors des périodes électorales, on peut être amené à penser que rien ne se joue, puisqu’on ne voit rien ou presque. Or, dans ces périodes aussi, l’opinion se forme, plus subtilement mais non moins profondément.

Ceux qui se plaignent que le vote endort les gens ont raison de se plaindre mais cet endormissement, c’est le symptôme d’un bien. On serait peut-être plus révolté en dictature mais que réclamerait-on alors ? Une démocratie. Et on serait de nouveau en face du problème de l’endormissement qui va avec la démocratie. Dès lors, notre but, ce doit être de faire marcher ce truc.

Plein de gens ne votent pas. Pour les présidentielles, un peu plus se déplacent, essentiellement parce que l’injonction est plus forte avec tout le battage médiatique qui accompagne l’élection (ça devient à la mode de voter). Mais en général, ils y vont sans conviction, voter utile. On y reviendra.

Autant, je pense qu’on a toutes les raisons d’aller voter, autant, je pense que les hauts niveaux d’abstention, marquent une prise de conscience de quelque chose de fondamentalement vrai : il n’y a pas grand-chose à attendre du vote. C’est ce que j’indiquais plus haut : le vote, c’est la partie émergée de l’iceberg. Le pouvoir des citoyens est essentiellement ailleurs et une bonne partie de l’affaire est déjà dans le sac le jour de l’élection.

Mais plutôt que de nous amener à rester chez soi et à se désintéresser de la politique, la prise de conscience de ce fait devrait nous amener à nous engager plus profondément, tout au long de l’année. C’est ainsi qu’on va prendre le pouvoir où il est, c'est-à-dire, dans notre propre éducation, dans les médias, dans la rue, sur les lieux de travail, dans toutes les discussions politiques qu’on peut avoir avec les gens qu’on rencontre. J’ai déjà parlé des différents moyens de peser en démocratie, au-delà du vote, je n’y reviens pas ici. Il faut faire tout le reste mais il faut aussi voter pour donner le couronnement attendu pour tous nos efforts d’engagement.

Reste que même avec un comportement parfaitement citoyen, il ne faut pas s’attendre à quelque chose de miraculeux. Une démocratie parfaite, elle est censée diluer le pouvoir à parts égales entre tous les citoyens. Chacun d’entre nous n’en aura qu’une petite parcelle. Autrement dit, se sentir impuissant en démocratie, c’est normal, c’est comme cela que ça doit être.

Cependant, ce n’est pas parce qu’on se sent impuissant qu’il faut faire comme si on l’était réellement. Il faut se saisir de la part infinitésimale de pouvoir qui nous revient, s’éduquer, s’engager et voter. Car en face il y a des gens qui sont prêt à récupérer tout le pouvoir abandonné dans la démobilisation générale (ex : Serge Dassault, sénateur UMP, milliardaire ami de Sarkozy, industriel de l’armement, propriétaire de médias importants comme le Figaro et truqueur d’élections dans sa commune de Corbeil Essonne).

Pour faire face aux gens les plus assoiffés de pouvoir, il faut que même ceux qui ne se sentent pas des âmes de dictateurs se battent pour prendre la part qui leur revient. Et cela entraîne qu’ils doivent dans une certaine mesure entrer dans des luttes de pouvoir. Prise de parole, de responsabilité, et ce qui va avec : réflexion sur les opinions qu’on va exprimer, sur la façon dont on veut s’organiser.

A la fin, le vote, ça ne coûte pas bien cher et on aurait tort de s’en priver.

Ce texte est la première partie d'un triptyque.
Partie 2 : Vote « utile ».
Partie 3 : Personnalisation.

Si ça vous plaît pas, qu'on comprend rien, que c'est qu'un ramassis de banalités, dites le ! Commentez ! J'adore le débat qui fait progresser les idées.
------------------
[1] « nous devons essayer d’embrasser [...] la nature du Bien Suprême, et de dire de quelle science particulière ou de quelle potentialité il relève. On sera d’avis qu’il dépend de la science suprême et architectonique par excellence. Or, une telle science est manifestement la politique »