lundi 23 avril 2012

Presidential election - Turn one - Recap

Comme je suis du Parti de Gauche (qui a d'ailleurs lui-même produit une excellente analyse du scrutin de l'autre soir), je vais surtout parler du résultat du Front de Gauche mais aussi, parce que c'est ce qui choque les gens, du FN.

Déception au Front de Gauche ?

On est en dessous des espérances que certains sondages et ce qu'on observait sur le terrain avaient nourris. Pourquoi ? Bien malin qui pourrait le dire. Entre l'imprécision des sondages, le décalage dans le temps entre la date de réalisation et la date du vote et l'enthousiasme particulier de nos électeurs ou l'enthousiasme d'électeurs de Hollande pour le Front de Gauche (vote utile), il y a mille façons d'expliquer les résultats (voir plus bas pour quelques unes qui nous donnent le beau rôle).

Ce qui est certains c'est que tous les gens qui venaient à nos meetings et nos réunions de quartier, les gens qui avaient un grand sourire en nous voyant, collant et diffusant des tracts, existent. Mais on n'avait pas de moyen de savoir combien ça ferait en pourcentage des voix. Maintenant, on sait plus ou moins. Et on n'a pas fait un mauvais score. Le Front de Gauche continue de progresser : en pourcentage par rapport à notre point haut des cantonales et en voix, bien entendu, vu la participation à la présidentielle. Ce que j'espère, c'est que l'enthousiasme palpable qui a entouré la campagne ne retombera pas, que les électeurs du Front de Gauche donneront beaucoup de militants et seront mobilisés supérieurement pour les scrutins et les luttes sociales à venir.

En fait, la déception qu'on sent actuellement est une très bonne chose. Ça montre qu'on n'est plus résigné à faire des scores riquiquis.

BONUS 1 : On a eu raison d'être optimiste et il faut qu'on le reste, qu'on garde à chaque élection, à chaque mobilisation sociale, l'objectif de la gagner. C'est comme ça qu'on peut mobiliser des millions de gens. Pas en disant : "on va pas gagner cette fois-ci mais votez pour nous quand même" et en attendant indéfiniment qu'un concours de circonstances nous amène le pouvoir sur un plateau. C'est en se battant pour la victoire qu'on la fait venir. C'est en étant défaitiste qu'on nourrit la défaite. Ainsi des législatives à venir : nous voulons la majorité absolue des députés, votez pour nous !

Parlons maintenant du FN.

Pour contester le vote des classes populaire au FN, il aurait fallu qu'on n'en fasse pas tant pour accréditer le mythe de "Le Pen candidate des ouvriers" ou à défaut qu'on en fasse plus pour casser le mythe.

Pour cela, on pouvait montrer que ce qu'ils nous proposent, c'est simplement de remplacer l'exploitation des prolétaires de tous les pays par les capitalistes de tous les pays par une exploitation des prolétaires français par les capitalistes français.

Or, personne (sauf nous) n'a attaqué le FN sur l'absence de partage des richesses dans son programme parce que personne (sauf nous) n'est pour le partage des richesses.
De même, le FN avait l'austérité dans son programme mais personne (sauf nous) ne l'a attaqué là-dessus parce que tout le monde (sauf nous) est pour l'austérité.
Enfin, personne (sauf nous) n'a relevé l'anti-syndicalisme du FN parce que tout le monde (sauf nous) est du côté des patrons.

Ce qui fait que le mythe du FN défenseur des petites gens a tenu jusqu'au bout.

Le FN est favorisé par rapport au Front de Gauche parce qu'il cadre beaucoup mieux avec l'idéologie dominante (anti-égalitaire, pro-austérité et casseuse de syndicaliste).

Pour résumer, le FN a pu se présenter en parti anti-système tout en cadrant relativement bien avec l'ordre actuel, ce qui fait qu'il est facile pour les déçus du système de s'en rapprocher. En effet, il est plus facile pour quelqu'un d'accepter un programme "anti-système" si ce programme cadre bien avec son propre inconscient, lui-même façonné par l'ordre actuel et son idéologie dominante. En l'occurrence, c'est la focalisation sur la question de l'euro qui a permis au FN de se présenter comme anti-système. Et ce, alors même qu'il n'y a, à leur programme, qu'une "sortie négociée" de l'euro, c'est-à-dire qui dépend du bon vouloir de nos partenaires européens au moins autant que la stratégie de désobéissance européenne du Front de Gauche.

On aurait pu tirer les fruits du côté pro-système de Le Pen en se présentant comme plus anti-système qu'elle et c'est ce qu'a pu faire, un temps, le Front de Gauche. Mais la campagne médiatique visant à montrer Mélenchon comme un homme du système (à la fois en insistant sur de soi-disant relations troubles et en nous harcelant sur notre "ralliement" à Hollande) a fini par porter ses fruits auprès d'un électorat qui hésitait entre le FN et nous. Car ces arguments étaient précisément ceux du FN : "Mélenchon allié du MEDEF et Mélenchon rabatteur de voix du PS".

BONUS 2 : Un effet qu'on observe une fois de plus, c'est la synergie des campagnes. Sarko a fait une campagne d'extrême droite et le total FN + UMP est élevé. Alors que ni le PS ni les verts n'ont fait campagne à gauche et la montée du score de la gauche est décevante (encore une fois c'est de la bonne déception) compte tenu du fait que la droite gouverne depuis 10 ans et avec un bilan mauvais. J'affirme que, sans notre exceptionnelle campagne face à une adversité médiatique que seul un Cheminade a pu rencontrer, le FN aurait fait les scores au dessus de 20% qu'on annonçait en début de campagne et la gauche n'aurait pas fait son meilleur score de premier tour depuis 1988.

mercredi 18 avril 2012

Personnalisation

Dernier de trois vices dont je parlerai parmi tout ce qui affaiblit l'efficacité du vote (les deux autres sont l’abstention et le "vote utile").

Personnaliser, c’est déterminer son vote (ou son engagement) en fonction de la personnalité d'un ou d'une candidat-e. On vote alors en fonction du sentiment que nous inspire la personnalité de quelqu'un. Ça peut-être très flou comme impression ("celui-là, je le sens pas") ou ça peut-être déterminé par des choses plus précises ("machin a fait ci, a dit ça, ça va pas"). C'est un comportement bien naturel. C'est comme cela qu'on juge les gens qu'on rencontre dans la vie de tout les jours, qu'on détermine ses amitiés ou à qui l'on accorde sa confiance. Mais ça n'est pas du tout adapté aux choix politiques qu'on doit faire en tant que citoyen.

Cela parce qu'on a, le plus souvent, une image des politiciens qui ne correspond pas du tout à ce qu'ils sont réellement. Cela aussi parce que ce qui sera fait réellement par le pouvoir politique dépend très peu ou pas du tout de la personnalité du candidat élu. Enfin, ça masque les vrais enjeux. Ce qui est important, c'est que le peuple se mobilise sur un programme. Si il est aveuglé par la personnalité de tel ou tel candidat, il en oublie de s'interroger sur ce qu'il faudrait faire (on pourrait aussi dire : si les médias nous saoulent en permanence avec des considérations sur le caractère de tel ou tel, c'est autant de temps d'antenne qui ne sera pas consacré au débat sur les programmes).

Je reviens sur les deux premiers points.

Premier point.
A moins qu'on ne connaisse personnellement la personne, l'image qu'on a des politiciens est une construction médiatique. Elle résulte d'un jeu où tous (les médias stipendiés ou eux-mêmes manipulés, les politiciens coachés ou simplement malins) cherchent à manipuler les autres (les médias, les politiciens et les citoyens).

Parenthèse : la manipulation est parfois inconsciente ! On (on, c’est-à-dire nous, simples citoyens ou eux, gens de médias) peut se laisser prendre au piège des préjugés. C'est le cas lorsqu'une opinion dominante bien enracinée fait apparaître comme excessif ce qui n'est qu'une critique argumentée de cette même opinion dominante. Une paraphrase pour essayer de me faire bien comprendre : une opinion peut être tellement enracinée dans nos consciences qu'on a du mal à accepter de la considérer comme un préjugé (ce que la critique nous demande) plutôt que comme une loi de la nature (ce que l'on fait inconsciemment).

Bref, cette image est extrêmement malléable, surtout par ceux qui ont prise sur les médias (l'UMP et le PS, bien inscrits dans les cercles du pouvoir). C'est donc un mauvais critère de jugement.

Deuxième point.
Que les actes ne dépendent que peu de la personnalité (ou soi-disant personnalité, puisqu'on a vu qu'on ne la connait pas réellement) des politiciens se voit bien avec l'exemple de Chirac et Sarkozy. Deux personnalités différentes au possible, entre l'homme qui boit des bières et mange de la tête de veau et le président du Fouquet's, on était en droit d'attendre que Sarko favorise éhontément les super riches et que Chirac réduise la fracture sociale. Cependant les chiffres montrent que, sous Chirac, la réforme de l'imposition a été bien plus favorable aux gros revenus que sous Sarkozy. En fait, Sarko a eu une politique dans la droite ligne de celle qu'a menée Chirac, tout juste infléchie par l'irruption de la crise qui l'a forcé à quelques mesures cosmétiques de taxations des riches (un peu et dans le même temps qu'on taxe beaucoup les pauvres).
C'est d'abord l'état idéologique de la société qui conditionne l'action gouvernementale, puis, dans le désordre la force de l'administration, des partis, la situation internationale etc. Mais la personnalité pas trop, non.

Épilogue centré sur l'actualité.
Tout ceci est (entre autres) la raison pour laquelle il ne faut pas se formaliser sur le tombereau de soi disant révélations qui s'abattent en cette fin de campagne de premier tour sur le candidat du Front de Gauche. Toutes ces attaques sont censées nous montrer un candidat qui complote, qui a quelques références idéologiques un peu troubles mais l'important reste le programme. Ce que ça révèle surtout, c'est que le PS (ou l'UMP, on pourrait passer devant eux au premier tour) avait gardé dans ses cartons de quoi animer la dernière semaine, qu'ils le déversent sans vergogne par leurs canaux médiatiques et que si des gens se formalisent parce qu'on discute avec ses adversaires politiques, ils ont perdu le sens de l'idéal républicain.

Mais pourquoi avoir choisi Mélenchon si c'est un homme si sulfureux (enfin pas pour moi mais bon) ? Ce que le Front de Gauche demande à son candidat, c'est d'être le porte voix d'un programme. Mélenchon est excellent pour faire passer les idées du Front de Gauche en interview et en meeting. On a choisi le bon.